Janice Kerbel / Michel Campeau : Surexposition
Arts visuels

Janice Kerbel / Michel Campeau : Surexposition

Janice Kerbel et Michel Campeau nous invitent, jusqu’à samedi, dans les coulisses de la création. Deux expos sur la mécanique plus ou moins merveilleuse de l’art.

L’art contemporain a-t-il majoritairement pris des airs de fête foraine, de foire à l’étrange et au cocasse? Dans ce type d’événement, le requin et la licorne dans le formol ne font-ils pas compétition au clown maboul, à la femme aux jambes de verre, au super-mégagigantesque toutou (ou même au homard) en ballons gonflés? C’est une hypothèse qui, de prime abord, pourrait sembler étrange, mais qui, si nous nous y attardons un peu, nous fera réfléchir et même nous inquiétera… C’est en tout cas la piste sur laquelle semble nous mener les oeuvres de Janice Kerbel au Centre Optica.

De toutes les pièces que cette artiste anglaise y exhibe, la plus épatante, intrigante et époustouflante est, sans nul doute, sa série intitulée (très justement) Remarkable, réalisée en 2007 pour la très courue foire d’art Frieze à Londres. Dans de grandes affiches, elle nous promet, non pas la femme à barbe, mais bien d’autres merveilles plus actuelles: la luciole humaine, capable de s’élever à un niveau incomparable, bien au-dessus de nous tous, et qui peut transformer l’énergie la plus banale en une lumière qui nous éclairera totalement; la contorsionniste climatique, qui sait modifier l’atmosphère et vous donner des frissons sur commande, qui peut dicter aux saisons leur nature, mais qui peut aussi secouer la terre par ses interventions…

Ces affiches ne sont-elles pas des métaphores pour décrire certains artistes actuels? "Entrez voir le freak show", semble de plus en plus nous dire nos créateurs en quête de curieux. À l’instar du maître de piste du film Moulin rouge, les Jeff Koons et autres magiciens de nos chapiteaux artistiques actuels, nous invitent au "Spectaculaire spectaculaire", à un "grand événement" qu’"aucun mot du vernaculaire ne peut décrire"! Ce n’est pas une tendance purement postmoderne (l’art hellénistique dans l’Antiquité, le Maniérisme, le Baroque ou le Romantisme faisaient déjà dans l’insolite), mais cette voie, de nos jours, semble occuper la scène avec des résultats pas toujours à la hauteur des attentes suscitées.

ODE A LA PHOTO

Notre monde postmoderne change-t-il trop vite et trop profondément? Parfois, les transformations qui semblaient si importantes apparaissent finalement plus superficielles que prévu… Un exemple (tiré d’un univers en apparence différent de celui de Kerbel): la photo numérique a-t-elle changé totalement la nature des images en accentuant leur capacité à faire du trompe-l’oeil? C’est loin d’être vrai.

Pour l’instant, ce qui est sûr, c’est que la mécanique de production de l’image photo a été modifiée. Le laboratoire de développement semble presque désuet. À la Galerie Simon Blais, Michel Campeau nous convie à un panorama très nostalgique de ces lieux qui disparaissent. Dépassant le débat sur l’analogique et le numérique, il effectue une apologie des lieux qui rendent possible la photo. Campeau souligne la matérialité du processus de fabrication de l’art et offre l’envers du portrait fantastique de la création magique que critique Kerbel. Voilà une vraie question: l’art doit-il cacher ou montrer les conditions de son existence? Comment lutter contre le désir de magie?

À voir si vous aimez /
Tino Sehgal, Serge Clément

Kerbel
Campeau