Le Sabord : Coup double
Le Sabord fête son 25e anniversaire. Rencontre avec deux de ses principaux éléments, l’écrivain Guy Marchamps et le directeur artistique Denis Charland.
Guy Marchamps, qui vient de lancer son second recueil de poésie pour enfants La Nuit tous les éléphants sont gris, s’apprête maintenant à célébrer avec Le Band de poètes les 25 ans de la revue d’art Le Sabord. Nul doute que cet anniversaire aura une saveur toute particulière pour l’auteur, qui se présente aussi comme l’actuel directeur littéraire – il est en poste depuis le printemps dernier – et l’un des piliers fondateurs de la publication trifluvienne.
Autour d’un café, le poète effectue un retour en arrière. Du coup, il situe le point de départ du Sabord: "J’ai rencontré Jean Laprise, qui est toute une dynamo. L’idée de base, c’est que l’on trouvait qu’à Trois-Rivières, en Mauricie, il se passait beaucoup de choses et que ce n’était pas assez couvert. On s’est donc dit qu’on allait partir une revue culturelle et parler du théâtre, des spectacles, des livres des gens d’ici… Au début, c’était vraiment régional. Bon, on se disait que si on faisait un an, on ferait un an; qu’on allait se payer la traite, qu’on allait l’essayer. Ça a duré un an, deux ans, trois ans… Maintenant, vois-tu, ça fait 25 ans! J’ai de la misère à y croire. Tu pars quelque chose pour le fun, et 25 ans après, c’est encore là. C’est spécial!"
TOUJOURS PLUS LOIN
L’auteur et comédien Jean Laprise a joué un rôle crucial dans la pérennité de la revue. "Jean avait le don d’aller chercher les bonnes personnes, souligne Marchamps. Un bon jour, il est allé chercher Denis Charland. Tout de suite quand il est arrivé, on a vu la revue évoluer très, très rapidement." Cette dernière, plutôt que de simplement explorer les beautés culturelles de la Mauricie, s’est alors ouverte sur le Canada en entier, puis sur le monde. En plus de publier le travail d’artistes et d’auteurs provenant des quatre coins du monde, elle a élargi son réseau de distribution à tout le Canada, aux États-Unis et à l’Europe (France et Belgique). Elle a même développé un volet édition (recueils de poésie, romans, livres d’art…) qui fête ses 10 ans d’existence.
Toujours directeur artistique, l’artiste Denis Charland se souvient de ses premiers moments à la tête du Sabord: "Je suis arrivé dans les années 90. La revue avait sept ans. Elle fermait à ce moment-là; il n’y avait pas beaucoup d’abonnés, elle n’avait pas de subventions. Donc, c’était très difficile de la maintenir en vie. Nous – je suis arrivé avec quelqu’un qui s’appelait Rita Painchaud, qui était directrice littéraire -, on a pris une direction bicéphale [arts visuels et littérature]. On a mis en commun nos expériences, de sorte que la revue a progressé très vite. En moins de deux ans, on était accrédités par le Conseil des arts du Canada et par le Conseil des arts et des lettres du Québec, qui sont les deux principaux intervenants qui nous aident dans la production de la revue. Je voudrais par ailleurs rendre hommage à Jean Laprise, qui a tenu jusque-là de façon magistrale. Car il a su aller chercher sa relève. S’il y avait eu un trou d’une année, ça aurait disparu à jamais."
Sachant que la revue est passée à un cheveu de fermer, qu’est-ce qui lui a été salutaire? "Ce qui l’a favorisée, je pense que c’est sa vocation hybride. Le fait que sur un même support, une même revue, on ait à la fois la valeur des textes originaux et des oeuvres originales. Ce mix-là nous a amené une double clientèle. Ça faisait une revue double en termes de contenu, mais surtout avec un visuel attirant, marketing. En kiosque, la revue s’est vraiment distinguée", estime le disciple de Dürer.
CELEBRER!
Pour célébrer cette réussite, une exposition qui rassemble toutes les couvertures du Sabord – et par conséquent, qui raconte sa petite histoire – est présentée jusqu’au 7 novembre dans les locaux de la revue. À cela s’ajoute un spectacle anniversaire le 31 octobre à la salle Anaïs-Allard-Rousseau, avec Le Band de poètes. Lors de cette soirée, Guy Marchamps s’entourera des poètes José Aquin, Geneviève Letarte et Monique Juteau ainsi que des musiciens Normand Guilbeault (contrebasse) et Bernard Falaise (guitare). "La particularité, c’est qu’on est tout le temps sur la scène, commente le directeur littéraire. Quand un poète va lire son texte en avant, généralement, les trois autres font de la musique avec les deux musiciens. Sur le plan des atmosphères, la personnalité de chaque poète est différente, les textes sont différents. Mais dans l’ensemble, ça fait quand même une unité, au bout du compte. Les membres, ce sont des gens qui aiment la scène et qui sont habitués à improviser. S’il arrive quelque chose qui n’était pas prévu, ça ne dérange pas: on récupère ça. C’est ce qui fait, à mon avis, des spectacles très intéressants."