Louis Lacerte : Lemoyne, l’automne
En prévision de l’exposition Serge Lemoyne: oeuvres choisies, Louis Lacerte nous a accordé une entrevue à la galerie familiale de la côte Dinan. Voici les fruits de cet échange.
"Lemoyne était un délinquant", lance tout d’abord le directeur et galeriste, dont le regard sagace et franc est traversé d’une singulière admiration. À cet instant, sans s’en rendre compte, Louis Lacerte parle aussi de lui-même et de la vision pugnace d’une galerie familiale qui est demeurée constante pour faire institution. Affinités électives, puisque ce sont ces mêmes qualités qu’il a remarquées dans l’oeuvre et la main de Serge Lemoyne, alors qu’il se liait à lui d’une amitié sincère à la fin des années 1980. Hommage à l’artiste et souvenir de cette loyauté, l’équipe de Lacerte prépare une rétrospective (dès le 17 octobre) pour celui que l’on considère comme un des grands de l’histoire de l’art du Québec moderne.
Pour Louis Lacerte, une idée claire semble extraite de cette élection réciproque qui veut "qu’un artiste se doit de garder une constance graphique pour qu’une vraie recherche s’installe et devienne, peu à peu, une évidence pour celui qui regarde". C’est de l’oeuvre, prise au sens d’une vie entière, qu’il est question ici. Dans le langage courant, on dit "démarche artistique", mais il semble que chez Lemoyne, on parlera plus justement d’une recherche qui vise à élucider une vérité intime. C’est dans cette optique que Lacerte entrevoit le mystère de Lemoyne porté à la couleur.
Tel que Lacerte le décrit, Lemoyne était habité par deux forces fondamentales: "un besoin de création viscéral et un désir de rendre l’art vivant, à la portée de tous". M. Lacerte souligne son apport primordial visant à faire descendre l’art "au plus près des gens", notamment par divers happenings et interventions publiques dont il fut l’un des piliers, aux côtés des Mousseau et Vaillancourt du Montréal des années 1960. Il explique aussi comment Lemoyne se lança peu après dans la grande suite Bleu-Blanc-Rouge inspirée des chandails du tricolore. Une déclinaison visuelle dont l’oscillation constante entre figuration et abstraction posa un jalon dans l’appropriation de l’imagerie populaire et l’affirmation identitaire d’une société dont l’artiste faisait partie. Le plus étonnant, c’est comment il arriva à transcender la contrainte du sujet sans travestir ses convictions et son amour de la peinture. Car il est toujours question de liberté chez Lemoyne, une indépendance aussi chère au directeur de la galerie et qu’il cherche toujours à reconnaître chez ses interlocuteurs.
L’exposition cherche aussi à joindre "monsieur et madame Tout-le-Monde", tout en respectant l’esprit de Lemoyne. Modeste, elle ne se veut pas exhaustive, mais cherche, par des oeuvres clés (Le triste sort réservé aux originaux, Hommage à Matisse, etc.), à faire incursion juste dans la pensée du créateur. Voyez aussi le documentaire diffusé sur place, tout le temps de l’exposition.
À voir si vous aimez/
Le pop art, Richard Diebenkorn, Jean-Paul Mousseau