Valérie Blass / Adrienne Spier : Contre le beau
Arts visuels

Valérie Blass / Adrienne Spier : Contre le beau

Valérie Blass et Adrienne Spier, deux sculpteures, déconstruisent le familier pour le rendre méconnaissable. Comment éviter le banal et le joli.

La plus pure apparence. Le titre de cette expo serait-il une promesse de superficialité? Pas vraiment. Les sculptures de Valérie Blass tentent de déconstruire, avec ironie, une certaine manière de voir l’art où la séduction des formes, le joli, l’emporterait sur le jugement intellectuel. Blass sait traquer et ruiner le beau séduisant autant dans l’art ancien que contemporain (arts qu’elle cite abondamment). Alors qu’en art actuel le beau (parfois légèrement étrange) est redevenu très à la mode, Blass sait utiliser, citer des formes et des matériaux pour en exposer le piège esthétique. Du coup, elle arrive à court-circuiter leur pouvoir d’enchantement.

Par exemple, l’artiste casse la belle unité formelle de l’oeuvre finie en ne cachant pas la mécanique de sa fabrication, d’assemblage, de collage… Le meilleur exemple étant la pièce Cette jeune femme ne sait pas s’habiller. Elle y associe, juxtapose, accole des tissus, de la cuirette, de l’uréthane expansible et du plâtre! Chacun de ses matériaux par lui-même pourrait satisfaire nos désirs d’Occidentaux raffinés en quête de beau original. Mais en les juxtaposant, elle sait créer ce sentiment de mauvais goût qui risque de devenir un refuge afin de se protéger du désir postmoderne de tout esthétiser. Blass travaille sur l’hétéroclite à l’oeuvre dans l’oeuvre afin de déséquilibrer, rendre boiteux l’art séduisant. Cette expo se présente donc sous la forme d’hybrides, de tensions entre des formes et des matériaux dissemblables.

Certaines pièces sont un peu moins fortes. Les bibelots Guerrier 1 et 2, porcelaines cassées et réassemblées, me semblent être une manière moins originale de déconstruire le joli. Néanmoins, un questionnement incontournable.

ADRIENNE SPIER

Le visiteur profitera de sa visite à la Parisian Laundry pour aller voir, au sous-sol de la galerie, l’expo Three Bedroom Flat, qu’Adrienne Spier avait montée au centre d’artistes Mercer Union, à Toronto, en début d’année. Il y a dans l’oeuvre de Spier un écho au formidable travail de Gordon Matta-Clark. Spier ne découpe pas des immeubles comme son illustre prédécesseur, elle s’en prend à du mobilier qu’elle tronçonne et empile. Tout à fait dans l’esprit de l’expo Unmonumental à New York où les artistes décortiquaient le réel en petites pièces inusitées.

À voir si vous aimez /
Serge Murphy, Gordon Matta-Clark