Flagrant Délit : Toucher l’interdit
Fini la contemplation passive… Flagrant Délit change les règles du jeu avec des oeuvres qui réclament la participation immédiate du visiteur.
Prière de ne pas toucher. Ces paroles, maintes fois lues et entendues dans les galeries du Musée des beaux-arts du Canada, ne s’applique pas dans l’exposition Flagrant Délit. La Performance du spectateur, à l’affiche pendant presque toute la saison hivernale. Les visiteurs embarqueront-ils dans le jeu, malgré les conventions de l’étiquette muséale et le changement attendu dans leur comportement? C’est à souhaiter, puisque l’initiative constitue l’une des plus grandes présentations d’art contemporain par l’institution dans la capitale (des années 1970 à aujourd’hui, il faut le mentionner), avec le rassemblement d’oeuvres interactives de 11 artistes et collectifs canadiens, permettant ainsi au public – les amateurs avertis et surtout ceux qui seraient moins familiers avec les tendances plus actuelles – d’y trouver son compte.
Évidemment, le concept d’interactivité en art ne date pas d’hier. Le premier ouvrage résolument interactif aurait été conçu dans le milieu des années 50 par Schöffer, et la montée de l’informatique (1990) a elle aussi rassemblé son lot d’adeptes de tels dispositifs. Dans un sens plus large, la sculpture et l’installation, même la peinture relèveraient d’un art participatif; à ce sujet, c’est Marcel Duchamp qui avait affirmé, dans les années 1910: ce sont les regardeurs qui font les tableaux. Alors comment aborder cette exposition en 2008?
Avant tout, le déroulement de la rétrospective s’opère en suivant un ordre chronologique, non pas pour retracer l’histoire de l’interactivité, mais plutôt pour mettre en évidence la modification du rôle du spectateur face à l’oeuvre. De l’immense porte-voix fonctionnel de Rebecca Belmore à une participation inusitée de Glen Johnson dans le catalogue commémoratif de l’événement (et qui renvoie inévitablement à son blogue insolent, persiflage.ca), il est facile de reconnaître que le contexte général (social, politique, etc.) a eu une influence certaine sur le choix des créateurs. Ainsi, sans vouloir diminuer l’importance de cette oeuvre, la robe chauffante et rougeoyante de Jana Sterbak (1984) peut paraître étrangement rudimentaire (et sûrement trop familière) placée, par exemple, à côté de l’évocateur Capteur de présence élaboré en 2003 par le duo Marman et Borins.
Deux propositions se démarquent cependant par un niveau d’interactivité qui transcende quelque peu ce qui a été réalisé dans les premières salles. Le projet Lavoir de Geoffrey Farmer, qui garnit les salles de bain du Musée de savons magiques du Dr. Bronner (oui, une compagnie qui existe vraiment), pourrait pratiquement passer inaperçu, dépendamment du point de vue de l’auditoire. Et Artistique Feeling II, du trio BGL, semblerait une intervention qui ne permet pas l’interactivité comme telle, mais qui vient se rattacher au concept en misant plutôt sur l’interdiction du geste présumé, alors que virevoltent jusqu’au sol, du haut d’un escabeau électrique, de véritables billets de 5 et de 10 $…
Finalement, dans toutes les réalisations, c’est au spectateur qu’appartient le dernier mot.
Consultez la page de Flagrant Délit au www.voir.ca/flagrantdelit
À voir si vous aimez / Angela Bulloch, Carsten Höller