John Heward / Thierry Marceau : Détruire l’Art
Le chevronné John Heward et la recrue Thierry Marceau se partagent l’espace de la très active Galerie de L’UQÀM. L’art abstrait et l’art pop déconstruits.
Né en 1934, John Heward est un musicien et artiste montréalais réputé. Depuis près de 40 ans, il réalise une forme d’art abstrait. Mais ne vous attendez pas à une peinture hard-edge, avec des formes géométriques, réalisée méticuleusement avec du ruban adhésif. Ce n’est pas non plus une peinture vraiment gestuelle à la Jackson Pollock (et ce, même si parfois Heward évoque Franz Kline). Son oeuvre picturale, à la limite du sculptural (où est-ce le contraire?), semble toujours éviter la norme, jouer de l’écart par rapport à celle-ci afin de toujours nier la catégorie. Voici une antioeuvre, un art se refusant à devenir monument. Sa sculpture semble désarticulée, ses tableaux paraissent comme mis en pièces, réduits à presque rien, sortes de dépouilles de l’art pompeux.
Si je ne suis pas convaincu par toutes les oeuvres d’Heward, elles arrivent toujours à me déranger et m’obligent souvent à me poser des questions sur ma manière d’appréhender visuellement, physiquement, intellectuellement l’art. Que puis-je demander de plus?
Une rétrospective à voir, même si elle est trop clinique dans son dispositif, la galerie semblant presque vide. Cela ne sied pas aux oeuvres, si échevelées. C’est d’autant plus étonnant que la Galerie de l’UQÀM n’a installé qu’une partie des pièces qui étaient présentées au Musée du Québec (d’où vient cette présentation).
Signalons que l’exposition est accompagnée d’une brochure (qui identifie les oeuvres sur un plan) comportant la signification de termes clés, dont, pour plusieurs d’entre eux, je doute de la nécessité (avait-on besoin de définir le mot improvisation?). Dans d’autres cas, la définition semble être constituée d’étranges raccourcis. L’abstraction y est expliquée uniquement comme une suppression de "toute référence au monde extérieur"… Il suffit d’ouvrir n’importe quel livre sur l’abstraction pour comprendre que ce mot a signifié bien d’autres choses au 20e siècle…
PHILOSOPHIE DE L’ART, DE AW A TM
Elvis n’est pas mort. Andy Warhol non plus. Malheureusement, ils ont survécu dans l’imaginaire collectif d’une manière souvent super quétaine. L’attitude d’Andy Warhol (comme celle de Marcel Duchamp) n’a pas justifié que des chefs-d’oeuvre en art contemporain. C’est à ce constat que nous confronte l’artiste Thierry Marceau. Dans son installation intitulée TM Héritier AW, Marceau personnifie le célèbre artiste pop, dans des photos et un vidéo, en le montrant parfois comme une superstar, mais aussi de la manière la plus kitsch possible, chantant I Did It My Way en faussant… Marceau montre aussi qu’il collectionne, comme Andy, les jarres à biscuits et expose ses trouvailles sur tout un pan de mur. Rappelons qu’à la mort de Warhol, ses jarres, souvent très communes, qui devaient être vendues pour quelques milliers de dollars, se sont envolées pour plusieurs centaines de milliers de dollars. Marceau nous parle de la fétichisation de l’artiste moderne et contemporain, sorte de nouveau dieu vivant, dont il faut copier les moindres créations et apparences. Un constat déprimant et décapant.
Warhol est peut-être finalement mort, dévoré par ses héritiers mêmes qui n’ont rien compris à son héritage, à sa critique de l’art et de sa consommation.
À voir si vous aimez /
Franz Kline, Andy Warhol