Lynne Marsh : Portrait de l'artiste en magicien
Arts visuels

Lynne Marsh : Portrait de l’artiste en magicien

Lynne Marsh nous confronte au désir de spectaculaire très présent dans nos sociétés. Venez voir l’incroyable et le surprenant…

Il y a quelques semaines, à propos de l’expo de Janice Kerbel au centre Optica, je soulignais une tendance de l’art contemporain à aller vers le spectaculaire. Or, voici qu’une autre expo, cette fois au Musée d’art contemporain (MAC), met en scène, elle aussi, ce concept.

Née à Vancouver en 1969, l’artiste Lynne Marsh travaille depuis quelques années à Berlin. Comme quelques autres artistes canadiens (dont Michel de Broin et Ève K. Tremblay), elle s’est installée dans cette ville où la culture semble bourgeonnante. Au MAC, elle nous présente quatre installations qui nous mettent en face de notre société (et d’un certain milieu de l’art) carburant à l’événement.

Marsh ouvre cette expo tambour battant avec Fanfare, une installation interactive qui résume bien son propos. En entrant dans la première salle, le visiteur déclenche un système de projection de lumières sur le sol qui évoque l’ouverture d’un spectacle de cirque. Une musique tout aussi circassienne, une reprise du très connu roulement de tambours du générique des films de la 20th Century Fox, accentue cet effet. Et cela continue dans les autres oeuvres de Marsh. Dans Camera Opera, elle montre une journaliste d’une émission allemande se préparant à entrer en ondes, devant une chorégraphie sophistiquée de caméras et accompagnée d’une musique de Strauss… Le spectacle peut commencer. Dans Ballroom, l’artiste, vêtue d’un étincelant costume, est suspendue, la tête en bas, du plafond du très grandiose et monumental Rivoli Ballroom à Londres. Dans Stadium, Marsh parcourt les estrades du gigantesque Olympiastadion de Berlin construit pour les jeux de 1936. Faut-il toujours du grandiose et de l’inattendu pour séduire la population? Sommes-nous encore et toujours dans cette société du spectacle (et du pseudo-événement) que dénonçait Guy Debord dans son célèbre livre de 1967?

Y a-t-il toujours quelque chose d’aliénant dans cette notion de spectaculaire? Toute la question est de savoir à quels moments les artistes, les architectes, les médias (ou même les politiciens) en font usage. L’artiste utilise-t-il cette manière de présenter systématiquement, effectue-t-il une apologie de cette structure de monstration ou, au contraire, procède-t-il à une déconstruction de cette manière de faire? Tout comme avec le concept du théâtral développé par Michael Fried il y a maintenant près de 30 ans, il serait ridicule de vouloir traquer et dénoncer le spectaculaire partout où il se cacherait. Le spectaculaire devient opprimant lorsque les médias et nos structures économiques, politiques et artistiques ne donnent plus aucune place à l’interrogation, au moment de réflexion, à l’hésitation, à l’attente, à la parole lente, à l’idée complexe et traitent tout de la même manière (spectaculaire) afin de faire croire qu’il y a toujours événement. La dictature du spectacle a été trop intériorisée par nos médias. Elle est aussi devenue bien trop souvent la loi du milieu de l’art.

Bernard Lamarche du Musée de Rimouski et Lesley Johnstone du MAC signent cette intelligente expo et le catalogue qui l’accompagne. Un type de collaboration entre Montréal et la région qui devrait devenir un modèle.

À voir si vous aimez /
Janice Kerbel