MNBAQ : Et s’apprivoiser sans cesse…
L’albédo aveuglera bientôt ceux qui iront au MNBAQ, sur les Plaines enneigées. Marche à suivre: n’affrontez pas le soleil de face ou mettez la main devant vos yeux pour avancer.
L’oreille indiscrète, j’écoutais un antiquaire admiré discuter avec une cliente, alors même que s’ouvrait au MNBAQ l’exposition d’art actuel C’est arrivé près de chez vous. La conversation se terminait ainsi: "Dès que vous trouverez une chose insoutenable, méfiez-vous de vous-même. Il se pourrait que vous en soyez amoureux le lendemain matin." Celui-ci résumait l’effet produit par l’événement regroupant près de 50 artistes ayant, pour la plupart, oeuvré à Québec dans les 25 dernières années.
En effet, le goût pour toute chose affinée demande un "apprivoisement", mot judicieusement choisi par Esther Trépanier dans l’introduction du catalogue de l’exposition. Un superbe livre-objet, nécessaire pour qui veut tout comprendre et dont la conception – quelle reliure! – se lie ingénieusement aux oeuvres. Bel écho à l’état d’inachèvement relatif réservé aux coquilles extérieures des remarquables pièces de Yannick Pouliot, Le Courtisan, et de Samuel Roy-Bois, J’ai entendu un bruit, je me suis sauvé.
Dans les salles, on louvoie autour des polygones d’un accrochage dynamique; on avance, industrieux, dans le soleil cru de morceaux subtils comme ceux de Guy Pellerin et Mathieu Valade. Voudrez-vous revoir certaines oeuvres après avoir laissé leur brillance brute s’atténuer un peu dans vos esprits? Cela vous laissera le loisir de chercher le sens sous vos sensations. C’est ce que méritent les audaces des Cooke-Sasseville (Silence, on coule!), les tableaux vivants de Claudie Gagnon (voyez au calendrier plusieurs performances liées à l’exposition), les Dépouilles quotidiennes de Louis Fortier; de vrais morceaux de bravoure, frayant tous avec les étrangetés effrayantes de la matière.
Sinon, que dire des délicates dentelles d’ombres de Diane Landry, de la photo des April, Alloucherie et Nicole Jolicoeur? Ne rien dire, ressentir surtout. Il y en a tant d’autres… que vous découvrirez en vous rappelant que si cela vous choque, c’est que vous avez déjà aimé à demi et que, comme disait l’antiquaire, vous aimerez peut-être l’autre moitié à votre réveil.
À voir si vous aimez/
Marcel Duchamp, l’art africain, les textes de Guy Debord, Fluxus