Regards d'acier. Portraits par des artistes autochtones : Pour casser le miroir aux alouettes
Arts visuels

Regards d’acier. Portraits par des artistes autochtones : Pour casser le miroir aux alouettes

Avec l’exposition Regards d’acier. Portraits par des artistes autochtones, le Musée canadien de la photographie contemporaine casse la glace.

Pour la première fois, le Musée canadien de la photographie contemporaine et le Musée des beaux-arts du Canada font front commun pour présenter une exposition sur l’art du portrait chez les artistes autochtones contemporains. L’exposition réunit les oeuvres de 12 artistes autochtones. Ayant tous, consciemment ou non, décidé de tourner leurs critiques vers l’art du portrait et ses abus dans la représentation des peuples amérindiens, ces artistes ne rejettent pas pour autant ses conventions picturales, mais y imposent leurs voix. Il faut noter que l’art du portrait a pendant plusieurs siècles été source de contraintes, qu’il a fixé une image des autochtones satisfaisant l’imaginaire européen et colonial.

Les images du noble sauvage au "regard d’acier" ont longtemps caché leur histoire et leur évolution hasardeuse vers l’autodétermination. Ici, c’est cette même idée de regard gris et insensible caractéristique de l’Amérindien qui se retrouve en filigrane dans les oeuvres représentées. En exploitant l’art du portrait, les artistes imposent leur sensibilité quant aux effets d’enjeux tels que la représentation (l’image), les médias et la sphère sociopolitique.

Par exemple, dans son travail, Dana Claxton propose de visiter ses racines ancestrales, c’est-à-dire l’histoire de sa culture actualisée en tenant compte de l’impact du colonialisme sur celle-ci. Son travail ouvre la voie à des propositions qui peuvent paraître ludiques. Ses photographies sont a contrario empreintes des effets de la subordination d’une partie irrécupérable de son histoire à l’imaginaire européen, mais aussi de ses répercussions sur la culture dominante.

C’est un tout autre enjeu qui occupe le travail de Jeff Thomas. Dans sa série de diptyques, il propose une dialectique entre le portrait conventionnel de l’Indien et les portraits des membres de son entourage. Thomas s’adonne à un recensement photographique de l’Iroquois urbain. Confronté à une absence, celle de cette définition de l’Iroquois, il élabore une série "d’images de [son] expérience d’Iroquois urbain, ainsi que la recontextualisation des images historiques des premières Nations pour un public contemporain".

De leur côté, les portraits de KC Adams et d’Arthur Renwick dénoncent les stéréotypes affectant les autochtones. KC Adams s’intéresse aux technologies de l’information et à leurs effets sur notre rapport aux classifications sociales. Arthur Renwick propose à ses sujets de briser le flegme en faisant la grimace. Ce qui prouve que le regard d’acier n’était qu’un masque. Tous les artistes de l’exposition jouent sur ces notions d’individualité, de stéréotypes, et sur le sens que revêt l’autochtone derrière ces masques.

À voir si vous aimez / Hannah Claus, Dominique Blain, Shelly Low