Massimo Guerrera : Les règles d’engagement
Massimo Guerrera vient de recevoir le prix Louis-Comtois de la Ville de Montréal pour une des oeuvres les plus abouties de la décennie.
L’année 2008 fut grande pour Massimo Guerrera. Après huit ans d’évolution, son projet Darboral a été présenté à la Fonderie Darling ainsi qu’au Musée des beaux-arts d’Ottawa, dans le cadre de la très réussie exposition Flagrant Délit, La performance du spectateur (jusqu’au 15 février). Dans les deux cas, son projet a atteint un niveau de maturité et de pertinence formelle indéniable.
De plus, Guerrera a ces jours-ci une expo à la Galerie Joyce Yahouda, intitulée Partager les outils d’affection (jusqu’au 17 janvier). Pour couronner le tout, il a reçu, en novembre, le prix Louis-Comtois qui récompense un artiste s’étant particulièrement distingué dans les 15 dernières années. Son art interroge les liens et les rituels entre les êtres humains. Ses interventions donnent souvent lieu à des rencontres avec l’artiste ou sont les traces de ces rencontres. A-t-il pour autant l’impression de réaliser un art engagé? Croit-il encore en la possibilité de faire un tel type de création? Ce sont les questions que nous lui avons posées.
Massimo Guerrera: "Il y a diverses formes d’engagement mais, oui, j’ai la volonté de faire un art ayant une portée sur le plan social et politique. Ça part d’une conviction qui s’est clarifiée avec les années. Si on veut de grandes transformations ou révolutions, elles doivent passer par un travail profondément individuel. L’art peut faire ce travail de transformation à une échelle plus micro. Quand de grands systèmes essaient d’être appliqués à de grandes collectivités, c’est très difficile d’avoir une véritable transformation. Par contre, quand il y a une quantité suffisante d’individus qui font un vrai cheminement, là il se passe des choses. L’art peut faire ce travail-là à une échelle plus micro mais qui est vraiment profonde car elle a une intégrité et une force à son niveau. La plateforme culturelle et artistique peut être un grand laboratoire de vraies transformations."
Voir: Tu as un espoir de cette nature-là?
"Collectivement, c’est difficile d’y croire, surtout quand nous voyons ce qui se passe socialement. Mais pourrait-on imaginer ce que seraient nos sociétés si disparaissaient tous ces lieux qui développent une conscience différente du monde, tous ces centres d’art, ces organismes communautaires, ces petits foyers où des gens essaient de promouvoir une autre sorte de rapport critique et de sagesse? Ma question est plutôt de savoir comment il se fait que ces lieux ne se répandent pas plus."
Quel effet peut faire ton oeuvre sur les individus?
"Cela fonctionne seulement quand les gens prennent le temps d’être attentifs. Pour que cela donne quelque chose de l’ordre de l’inspiration, il y a une question d’investissement de temps de la part du spectateur. Mais l’artiste travaille sur le long terme. Une bonne oeuvre, ça a une histoire sur des siècles. Et ça, c’est plus difficile à évaluer."
Tu as même fait des interventions chez des gens. Expérience enrichissante?
"Cela ouvre des espaces-temps différents. Cela pose des questions complexes sur la générosité, sur la disponibilité. Sur la durée, j’ai appris à travailler sur la sculpture impalpable de la relation entre les individus, sur la structure des rapports, avec ses dits et ses non-dits, ses ouvertures, ses fermetures."