Kees Van Dongen : Fauve en cage
Le peintre Kees Van Dongen, qui fut très prisé par le grand galeriste montréalais Max Stern, est à l’affiche au Musée des beaux-arts. Une oeuvre très inégale.
La question mérite d’être posée: le peintre d’origine néerlandaise Kees Van Dongen (1877-1968) fut-il un grand artiste? À regarder cette première rétrospective d’envergure en Amérique du Nord, le visiteur risque de rester dans le doute.
Pourtant, cela démarre en lion. Dans la première salle, un Autoportrait en bleu de 1895 montre tout le culot que le jeune Van Dongen pouvait avoir. Il s’y représente comme une forme fantomatique très peu détaillée, un aplat de couleur qui est digne de certains tableaux de Munch. Par la suite, plusieurs toiles retiennent l’attention. Ici, des paysages très impressionnistes montrant le pont des Arts, Trouville… Là, un visage (intitulé Saïda) de 1913 qui est très proche de Matisse, tout comme cet Intérieur à la porte jaune de 1912 (qui fait particulièrement penser au célèbre Atelier rouge de 1911 du même peintre français). On sent aussi d’autres liens, avec les symbolistes, les expressionnistes… Le problème réside justement dans la présence de liens trop marqués avec bien des artistes qui semblent avoir souvent fait mieux dans le genre. Certes, bien des créateurs ont changé de style dans leur carrière (Picasso est le plus connu). Van Dongen n’a malheureusement pas brillé dans toutes ses époques. À côté d’oeuvres réussies, il y a des tableaux très faibles. Les années 20 et 30 recèlent des créations mondaines très décoratives. Celui qui s’était dit anarchiste dans sa jeunesse, celui qui a participé au Salon de 1905, surnommé la "cage aux fauves" (selon l’expression du critique Vauxcelles), s’est bien embourgeoisé par la suite. Heureusement, le musée n’a pas inclus dans ce parcours les oeuvres médiocres de la fin de sa carrière (comme l’insignifiant portrait de Brigitte Bardot de 1954).
On regrettera cependant que quelques oeuvres n’aient pas fait le voyage depuis Monaco où cette expo était à l’affiche l’été dernier. C’est le cas de Boxing Exhibition avec Charley (1912) et de l’oeuvre intitulée Le Boniment, l’un des deux tableaux présentés par Van Dongen à l’expo fauve de 1905. L’autre, nommé Carrousel, présent au MBA, aurait d’ailleurs dû être clairement identifié comme ayant fait partie de cet événement historique… Voilà néanmoins une entreprise qui mérite d’être soulignée puisqu’elle a permis de constituer une étude et un catalogue approfondis sur ce peintre.
UNE MISE EN SCENE TROP SOUTENUE
Je ne suis en rien contre les dispositifs de présentation très construits où le commissaire de l’expo souligne son point de vue. Il n’y a jamais de présentation totalement neutre. Ce qui nous apparaît comme étant la convention a été un jour nouveauté surprenante. Néanmoins, il faut dire comment, ici, l’éclairage est trop souvent d’une intensité dérangeante, entourant d’un halo éblouissant les oeuvres. Les couleurs vives de Van Dongen pouvaient parler d’elles-mêmes. De plus, ce type d’éclairage projette souvent l’ombre du haut des cadres sur la toile… Je comprends qu’on ait voulu porter un éclairage nouveau sur l’oeuvre de Van Dongen, mais qu’on laisse donc les oeuvres nous éblouir (ou pas) avec leurs propres moyens.
À voir si vous aimez /
Les expos Les années 20 et Les années 30