Manon De Pauw : Comment ça marche?
Une sélection d’oeuvres de Manon De Pauw permet de voir autrement l’image de l’artiste au travail. Espace d’invention.
Comment représenter le processus de création artistique? On pourrait montrer l’artiste alcoolique ou drogué, l’artiste inquiet ou même exalté, presque fou… Voilà un sujet qui n’est guère facile, plein d’embûches et de clichés. Néanmoins, dans Intrigues, l’artiste Manon De Pauw expose un travail qui montre avec intelligence et humour cette situation où l’agitation du faire et de la créativité se conjuguent avec la réflexion et l’expérimentation.
Dans un espace épuré, presque clinique, impeccablement installé, De Pauw décline la notion de création. Dans les vidéos, cela s’agite, cela grouille, cela fourmille. De Pauw s’affaire, s’installe, bouge parfois dans tous les sens. L’artiste, de nos jours, intervient autant dans son atelier que dans l’espace de la classe ou dans l’espace public – c’est ce qu’elle montre, entre autres dans ses "monobandes". Dans ses photogrammes et installations, des formes semblent émerger de peu de choses. L’artiste nous dit qu’avec peu de moyens (matériels et donc économiques), elle se doit d’inventer un espace imaginatif fort.
Du coup, De Pauw déroute nos attentes quant à cette image de l’artiste. La vidéo Ne pas s’inquiéter (2001) en est un bon exemple. Malgré son titre, elle démarre comme un film d’horreur. Des crissements inquiétants se font entendre avant même qu’aucune image ne soit visible. Pourtant, il ne s’agit que d’une échelle déplacée, tirée par l’artiste sur le sol. De Pauw y accroche une boule disco sur laquelle elle plaque la lumière d’un projecteur de diapositives, appareil qui était, il n’y a pas si longtemps encore, utilisé pas tous les professeurs d’art (eux-mêmes artistes). L’atelier de l’artiste et l’espace de la classe y deviennent comme un petit spectacle, une mise en scène. Je dirais même qu’il s’agit de montrer l’artiste elle-même (et, en général, lui-même) comme construction, comme dispositif d’exposition qu’il faut retravailler, remodeler afin de lui donner une nouvelle actualité.
Vu rapidement, le travail de Manon De Pauw pourra sembler glisser vers une esthétisation formelle. Mais le côté expérimental de son approche, le fait qu’elle renoue avec les avant-gardes (des arts visuels, du cinéma, de la photo…), avec l’esprit et même l’aspect visuel d’oeuvres expérimentales (par exemple avec les "rayographies" de Man Ray), donne à l’ensemble un angle plus brut, qui ne manque en rien de profondeur ni d’intelligence.
À voir si vous aimez /
Raphaëlle de Groot et Pierre Ayot