Antoni Muntadas : L'ère de la peur
Arts visuels

Antoni Muntadas : L’ère de la peur

Depuis près de 40 ans, Antoni Muntadas scrute le "paysage médiatique". Une oeuvre interrogeant les rapports de pouvoir dans les systèmes de communication.

Qu’est-ce qui caractérise le plus notre époque? Certains répondraient à cette question en nommant Internet, la mondialisation des communications, une plus grande liberté de circulation des informations… Si j’étais invité à me prononcer, je dirais que c’est le retour de la peur (non réfléchie) et son instrumentalisation par les discours dominants. Et à voir cette expo d’Antoni Muntadas (né en Espagne, mais vivant à New York depuis 1971), je me sens tout à fait confirmé dans ce point de vue.

Dans cette présentation intitulée La Construction de la peur, Muntadas souligne comment cette frayeur est loin d’être produite uniquement par les terroristes ou des criminels plus communs, comment elle est aussi la créature des médias et du pouvoir.

À son entrée dans la galerie, le spectateur est confronté aux murs remplis d’une soixantaine de courtes phrases, qui sont en fait toutes des titres ou des morceaux d’articles de journaux parus depuis 1989 (mais dont la plupart ont été écrits depuis le 11 septembre 2001). Dans ces titres, vous retrouverez une utilisation exagérée des mots "peur", "panique", "terreur"… Encore un mauvais coup des journaux populistes et sensationnalistes? Pas du tout. Ce sont des citations de journaux sérieux et reconnus, tels que The Guardian, The New York Times, The Observer… Sur un autre mur, des couvertures de livres qui travaillent dans le même esprit. Un peu plus loin, des images de maisons barricadées derrière d’imposantes grilles. Dans la salle adjacente, deux vidéos où des individus viennent dire comment cette peur est en train de gagner les gens dans leur quotidien et fait monter le racisme… La peur s’installe, alors que dans les faits, la violence baisse en Occident. Voilà le constat que dresse Muntadas. Cela pourrait faire craindre le pire, mais au bout du compte, cela permet de déconstruire cette atmosphère étouffante.

Le commissaire Jean Gagnon a eu une excellente idée d’exposer ce travail à Montréal. Son texte de présentation signale avec justesse comment Muntadas travaille sur le "pervertissement de l’espace public" de plus en plus "quadrillé, balisé, échafaudé par les médias".

Les 8, 9 et 10 avril, la Cinémathèque québécoise présentera des vidéos de Muntadas. À voir absolument pour comprendre la réalité profonde de notre époque.

À voir si vous aimez /
L’oeuvre Guardia, resguardeme (sur les caméras de surveillance) d’Emmanuelle Léonard.