Yves Harnois : Regards fuyants
Le photographe sherbrookois Yves Harnois se dit fin prêt à investir les galeries d’art de ce monde avec les portraits de son exposition Déchiffrer le regard.
En fait, Déchiffrer le regard ne s’avérerait qu’un aperçu de ce qu’Yves Harnois trame depuis quelque temps dans son atelier de Sherbrooke. "C’est un projet vraiment très sérieux, nous affirme-t-il d’emblée. Plus je le peaufine, plus la direction est claire." Pour en arriver là, le photographe a entrepris un travail de recherche à l’hiver 2008. Le temps était venu; il voulait tranquillement délaisser les cimaises des cafés pour exposer ses portraits sur celles des galeries et des musées. "Je désirais m’en aller vers le contemporain, en m’inspirant de photographes qui font des portraits plus conventionnels. Ceux qui se retrouvent dans les galeries s’intéressent à l’humanité de différentes personnes, dans plein de catégories. On se retrouve avec des comparatifs, mais c’est souvent très froid. Moi, je n’aime pas cette ligne-là. Je conserve donc une touche un peu plus théâtrale dans mes portraits."
L’exposition à la Maison des arts et de la culture de Brompton est une première étape vers un nouveau palier de reconnaissance grandement méritée pour ce portraitiste atypique. "La blague qui circule, c’est New York dans deux ans", ajoute le photographe, rieur.
LES YEUX GRANDS FERMÉS
Comme pour mettre l’accent sur le caractère marginal de sa pratique, Yves Harnois n’hésite pas à louanger la photographie numérique. "Ça a été une découverte pour moi. Ça m’a permis d’essayer plusieurs choses et de trouver ma recette. Les galeries commencent à s’ouvrir à ce monde-là."
Déchiffrer le regard est d’ailleurs née d’une expérimentation, d’un test de lumière. "La photo de Chrystelle, c’est la toute première de la série. Je savais que je tenais quelque chose." Ce portrait d’une fille aux yeux fermés, de profil et pris avec une lumière naturelle fut le point de départ du projet. "Habituellement, ma force, c’est le regard. C’est donc un défi personnel que de briser cette règle. De plus, un portrait les yeux fermés, je trouve ça graphiquement intéressant."
Une fois cette direction établie, plusieurs sujets ont défilé dans le studio d’Yves Harnois. "J’ai photographié des amis, des enfants, des ethnies…" Il s’est retrouvé avec certaines catégories qu’il a mises en évidence dans l’exposition de Brompton. Il y a, entre autres, les "rouges", les "nature" et les "barbouillés". Ce dernier groupe comprend des portraits de gens couverts d’argile et de peinture, alors que d’autres sont tout simplement tatoués. "Ceux avec des tatouages sont photographiés de façon très straight. C’est toujours impressionnant. Moi, ça me fascine. Ça m’a permis de démystifier le tatouage." D’ailleurs, le photographe envisage une série complète de portraits de tatoués.
Pour Yves Harnois, la principale beauté de ce projet réside en la proximité avec les sujets que lui permet cette absence de regard. "J’ai su capter un petit brin de l’histoire de toutes ces personnes."
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La photographie, les portraits, les tatouages