6e Biennale de Montréal : Fourre-tout
Arts visuels

6e Biennale de Montréal : Fourre-tout

C’est la 6e Biennale de Montréal. Une tentative d’immersion dans le phénomène de la culture libre. Un résultat peu convaincant.

Que dire de cette décevante biennale? Certes, son thème est totalement pertinent, d’une grande intelligence. Malheureusement, il a été dilué, appauvri, mal développé, au point où le visiteur ne retrouvera pas l’aspect subversif qu’il incarne.

Cette biennale se voulait la première à traiter de culture libre. Elle devait nous obliger à réfléchir à des mouvements intellectuels et créateurs qui "transformeront la culture". En effet, ce phénomène de fond remet en question la notion d’auteur et de droit d’auteur. Il nous confronte à la libre diffusion et à l’appropriation de diverses formes de création. Ce phénomène bien connu dans le domaine de l’informatique (Linux, Pure Data, Firefox, mouvement du copyleft…) existe aussi dans les domaines du cinéma, de la musique, des arts visuels. Mais les oeuvres de cette biennale sont trop souvent loin de tout cela.

Le thème a été plus souvent qu’autrement ramené à un simple échange entre artistes et à l’idée d’une participation plus ou moins active du public. Voilà une vision bien réductrice de la notion de culture libre où l’aspect contestataire, révolutionnaire du mouvement, a été presque totalement pacifié.

Le volet "design libre" se résume à des interprétations formelles d’une phrase du designer autrichien Stefan Stagmeister. Le volet "musique libre" se présente comme l’interprétation musicale par David Ryshpan d’un tableau de Rick Leong, interprétation qui a par la suite été réinterprétée par d’autres. En 1874, le compositeur Moussorgski, avec Tableaux d’une exposition, faisait déjà une chose assez similaire en s’inspirant des peintures de Victor Hartmann…

Côté arts visuels, certaines pièces semblent encore plus déconnectées du thème et des questions primordiales qu’il pose. Il en est ainsi de cette vidéo qui ouvre pourtant l’événement. Qu’ont à voir avec le sujet ces deux garçons qui se battent dans la boue, dans Depuis la fenêtre de ma chambre de Cao Guimaraes? Les quelques oeuvres intéressantes (telles l’intervention de Shopdropping, les photos et l’autre vidéo de Cao Guimaraes) sont si peu nombreuses que le visiteur restera sur sa faim. Et pourquoi avoir remontré l’oeuvre de Perry Bard qui a déjà été montée (et bien mieux installée) à la galerie Joyce Yahouda il y a tout juste un an? Aucun autre choix n’était possible? Le phénomène est-il si restreint? Pourquoi, par exemple, ne pas avoir inclus des artistes appropriationnistes qui depuis plus de trente ans défient le droit d’auteur?

Il suffit d’avoir vu, l’hiver dernier au CCA, l’expo Actions: comment s’approprier la ville, pour savoir à quel point il était possible de faire une présentation sérieuse et foisonnante sur le sujet de la contestation culturelle, sur la notion d’appropriation (dans ce cas-ci, de l’espace public) par d’autres créateurs ou par le public.

Peut-on encore blâmer le manque d’argent pour expliquer les limites qualitatives et quantitatives de cet événement? Une partie de la faute revient certes au départ du commissaire Scott Burnham, annoncé en janvier dernier. Mais le projet aurait dû être repris par un commissaire général connaissant à fond le sujet, qui aurait donné une cohésion plus grande et du mordant à l’ensemble. Ce choix n’a pas été fait, et la biennale s’en ressent profondément.

www.biennalemontreal.org

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Perry Bard