Tony Fouhse : Plus vrai que nature
Le visiteur ne pourra s’empêcher d’éprouver une certaine gêne devant la série de portraits qui ornent les murs de La Petite Mort… Graduellement cependant, le malaise cédera à une sorte de curiosité pour une documentation plus vraie que nature portant sur ces femmes habitant le dur voisinage de la galerie. Y aurait-il eu une forme d’exploitation de leur misère? Le coin étant connu pour ses nombreux sans-abri, ses prostituées et ses toxicomanes (ici, les modèles), la thématique semblerait laisser en suspens quelques autres questions spontanées: pourquoi elles? Qu’est-ce qui les aurait convaincues de se dévoiler ainsi? L’évident contraste entre le quotidien imaginé de ces dames et, pour ainsi dire, leur nouveau statut, est sans doute ce qui frappera le plus l’attention.
Tony Fouhse, photographe établi à Ottawa, a su donner une voix à des êtres qui l’auraient peut-être perdue en cours de route, avec la poursuite de son projet Users débuté il y a déjà deux ans. Sa première série, un corpus plutôt théâtral où la mise en scène prévalait énormément, n’a presque rien de comparable avec celle-ci, qui invite à croire à une portraiture authentique. Des doigts qui s’entortillent de nervosité, des rides ou des cernes autour des yeux, un cadrage serré et, pour toile de fond, le quartier en couleurs délavées; tout semble planifié pour mettre en valeur et glorifier le caractère humain de sujets que la plupart des citoyens aimeraient mieux voir reléguer aux oubliettes… L’exposition, à l’affiche jusqu’au 31 mai prochain, est de celles qui font longuement réfléchir.
À voir si vous aimez / Scott McFarland au MBAC, Thomas Ruff, Suzanne Lafont