Kent Monkman : Le berdache du Canada
Kent Monkman expose une installation vidéo présentant une culture amérindienne bien loin du folklore pour touristes européens. Expérience trans-culturelle.
Sur quatre écrans, placés en carré, ressemblant à la forme d’une peau de bison (mais entourée de dentelle), vous verrez des Amérindiens exécutant une danse très virile. Sur un cinquième écran, au centre des autres, un être travesti, genre de drag queen d’inspiration autochtone nommée Miss Chief Eagle Testickle, semble électriser ces jeunes hommes et leur redonner une énergie lors de leur moment de faiblesse. Voilà, rapidement résumée, l’installation vidéo présentée ces jours-ci au Musée des beaux-arts.
Folle fantaisie de la culture gaie? Une oeuvre à la Village People? Loin de là. Voici une pièce chorégraphiée par Michael Greyeyes (danseur d’origine crie) avec une musique de Phil Strong. Et c’est l’artiste torontois Kent Monkman qui orchestre le tout. Il fait ici référence à un phénomène important de la culture amérindienne, occulté par les colonisateurs choqués par la chose. Il y a eu de l’androgynie, du travestissement et de l’homosexualité chez les Amérindiens. Et dans cette Danse au Berdache, Monkman rend hommage à un phénomène méconnu: le berdache.
Le berdache (mais il faudrait en fait parler de "l’être aux deux esprits") semble avoir eu une grande importance dans la culture amérindienne. Cet homme, non conforme, travesti, était souvent vu comme un don des dieux et avait parfois une fonction de guérisseur ou de sorcier. Il fut entre autres peint et décrit par l’artiste George Catlin au 19e siècle. Les colonisateurs ont tout fait pour faire disparaître cette coutume "dégoûtante". Néanmoins, Monkman, la fait revivre avec brio.
Il faudra profiter de cette visite au Musée des beaux-arts pour voir, dans une salle adjacente, une récente acquisition, une immense toile du même artiste. Au premier coup d’oeil, ce tableau, intitulé Trappeurs d’hommes, se présente comme un paysage, comme il y en a beaucoup eu au 19e siècle, montrant la majesté de la nature en Amérique. Il s’agit d’une copie trafiquée d’une peinture d’Albert Bierstadt. De proche, le visiteur y verra des scènes à connotations gaies où la rencontre entre Européens et Amérindiens donne lieu à l’expression de fantasmes d’ordre sexuel.
À voir si vous aimez /
Les drag queens de Nan Goldin