Robert Polidori; Christine Davis : Dialogue avec le chaos
Robert Polidori et Christine Davis sont à l’affiche au MAC. Deux oeuvres qui dialoguent avec l’histoire, la mémoire et l’énergie parfois chaotique du monde.
Les oeuvres de Robert Polidori sont hantées par la ruine, la décrépitude, la catastrophe. Il a photographié des maisons et des rues à La Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina, Beyrouth dans les décombres, La Havane délabrée, la région de Tchernobyl et Pripiat dévastée par les radiations… Plus tôt dans sa carrière, dans les années 80, il a aussi capté des appartements de New York abandonnés ou bordéliques et le musée de Versailles en chantier (se penchant sur des lieux grandioses avant Candida Höfer).
Voilà une oeuvre souvent touchante, mais qui soulève aussi beaucoup de questions. Certaines séries (telle celle sur Versailles) auraient pu être limitées dans le nombre d’images présentées. Il y a une redondance dans le propos qui, au bout d’un moment, l’affaiblit. Au cours de la visite, le malaise prend de l’ampleur. Ces superbes photos semblent lentement perdre leur contenu troublant au profit d’une technicité impeccable, d’une sorte d’esthétisation du malheur. Je n’ai rien contre le fait que des photographes se penchent sur la désolation. Beaucoup l’ont fait et, parmi eux, pas les moindres (Dorothea Lange, Walker Evans…). Mais ici, le format assez imposant (presque spectaculaire), la présentation si soignée, les riches couleurs, la luminosité parfaite donnent le sentiment que ces images vont finir dans le bureau ou le salon d’un riche collectionneur…
Pour contrer cette esthétisation, il aurait fallu faire un accrochage plus intimiste, redécouper des salles pour en faire de plus petites, y ajouter quelques bancs et surtout quelques textes explicatifs (ici quasiment absents), qui auraient pu être d’ordre personnel, racontant des faits associés à ces images et à leur réalisation. Il aurait fallu recréer une atmosphère plus en nuances où l’expérience vécue aurait sa place et ne pas offrir uniquement un alignement de photos superbement installées. Le visiteur ne resterait pas dubitatif devant certaines images, ne sachant pas trop qui est Samir Geagea, dont Polidori nous montre le quartier général à Beyrouth, ou la Señora Faxas, dont il nous présente la chambre à La Havane.
Il vous suffira d’aller, dans le même musée, dans les salles de la rétrospective Betty Goodwin (dont nous reparlerons bientôt) pour voir comment un accrochage plus intimiste peut être réussi.
CHRISTINE DAVIS
Voici une expo qui s’attaque à la logique trop simpliste de la pensée cartésienne. Pour ce faire, Christine Davis interpelle des univers plus mystérieux, ceux du symboliste Mallarmé et de la danseuse moderne Loïe Fuller, qui exécutait des danses serpentines totalement organiques. Malheureusement, dans cette expo, cette contestation de la pensée cartésienne passe paradoxalement par une structure et des oppositions très cartésiennes… Cela se voit en particulier dans la pièce Euclid/Orchid où sont projetées sur une orchidée réelle (en 3D) des images de dessins portant sur la géométrie euclidienne (en 2D). Les oppositions entre la nature et la culture, ou bien entre la complexité organique de la création et le simplisme de certains modèles de pensée, sautent un peu trop aux yeux.
Jusqu’au 7 septembre
Au Musée d’art contemporain
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Le World Press Photo pour Robert Polidori, Loïe Fuller pour Christine Davis
Robert Polidori
Christine Davis