53e Biennale de Venise : Canaux officiels
Arts visuels

53e Biennale de Venise : Canaux officiels

53e Biennale de Venise. Une vitrine assez éclectique, mais néanmoins plutôt conservatrice sur l’art actuel. Avec une participation canadienne insignifiante.

Le directeur de l’événement, le Suédois Daniel Birnbaum, critique d’art, philosophe, enseignant et commissaire d’exposition né en 1963 (ce qui en fait le plus jeune directeur de la Biennale), n’a pas pris de risque. Le thème qu’il a choisi, "Construire des mondes", est assez large pour englober bien des propositions. Mais du coup, il ne permet pas de dégager une lecture plus tranchante sur l’art actuel. C’est évidemment la difficulté inhérente à ce genre d’événement. Étrangement (conséquence de la crise?), c’est une biennale d’art contemporain assez tournée vers le passé (valeur refuge?).

Dans un étonnant "bricolage" (le mot est de Birnbaum), des oeuvres du collectif Gutai, fondé en 1954, d’André Cadere, mort en 1978, de Gilbert & George sont intercalées avec des pièces récentes… Yoko Ono a reçu un Lion d’or pour une oeuvre qui est vite devenue d’une littéralité et d’une minceur lassantes. Elle est heureusement présente avec ses Instructions pièces (commencées dans les années 60), ses créations les plus intéressantes. Bruce Nauman, Lion d’or pour la meilleure représentation nationale, occupe le pavillon des États-Unis avec une mini-rétrospective sans nouveauté. Alors que remarquer?

QUELQUES TENDANCES ESTHETIQUES EMERGENT MALGRE TOUT

Plusieurs artistes effectuent une réflexion sur la Biennale et le milieu de l’art. John Baldessari (autre Lion d’or) a couvert le palais des expositions d’un motif océan avec deux palmiers, très hollywoodien. Michelangelo Pistoletto offre des miroirs brisés (lors du vernissage) au public très narcissique du milieu de l’art branché. Au pavillon de la Grande-Bretagne, Steve McQueen montre un film sur les lieux, pas du tout glamour, de la biennale abandonnés durant l’hiver. Dans un vidéo, Dominique Gonzalez-Foerster, opère une lecture critique de ses interventions à Venise.

Certains réfléchissent à l’exploitation des pays pauvres par les pays riches. C’est le cas de Pascale Marthine Tayou, Anawana Haloba et de Krzysztof Wodiczko qui, lui, traite des immigrants illégaux en Pologne en les montrant comme des fantômes. L’écologie et la nature sont aussi présents avec entre autres Roman Ondák qui a transformé le pavillon tchèque en sous-bois et Ceal Floyer qui projette l’image d’un immense bonsaï…

QUELQUES PAVILLONS

Très médiocre proposition de Mark Lewis au pavillon canadien. Il travaille sur la notion de collage cinématographique sans innover. Intitulée Cold Morning, son installation très formaliste, composée de quatre projections vidéo presque photographiques, aurait pu s’intituler Cold Aesthetic. Il faut aussi fuir le pavillon italien et sa peinture ringarde, dont celle de Sandro Chia qui s’enfonce dans un art moderno-académique consternant.

Il faudra plutôt aller voir les installations très spectaculaires de Jan Fabre (sculpteur, chorégraphe, metteur en scène) qui n’évite pourtant pas le cliché des ossements et des crânes. Phénomène en mode et en art, le crâne, si cher à Damien Hirst, se retrouvait à Venise aussi au pavillon espagnol chez Miquel Barceló, au pavillon chinois chez Liu Ding

Mais c’est le pavillon des pays nordiques qui vole la vedette, avec le Collector. Installation collective, elle met en scène la maison d’un riche collectionneur gay que l’on voit mort, flottant dans sa piscine… The party is over et l’art contemporain va peut-être devoir revenir à des propositions plus profondes et moins commerciales qu’avant la crise.

Jusqu’au 22 novembre