Rafael Sottolichio : Du désir de vérité
Rafael Sottolichio présente chez Lacerte le résultat de ses luttes complices avec la matière. Une immersion colorée dans quelques lieux familiers.
L’ensemble des peintures présentées dans l’exposition en cours et titrée Phénomènes est composé de deux séries distinctes, mais liées par une même recherche. La Chute et Les Espaces publics sont issues d’une réflexion engagée par l’artiste "sur quelques notions partagées entre l’existentialisme "camusien" et la pensée foucaldienne" qui ont inspiré ses oeuvres et son mémoire de maîtrise, explique Rafael Sottolichio. C’est-à-dire, dans une société donnée – la nôtre, aujourd’hui -, espérer même sans espoir un espace de liberté et y plonger en peinture avec "une chute essentielle dont j’assume la responsabilité et les limites", ajoute-t-il. Cela, malgré l’illusion insoutenable d’une liberté conditionnelle entretenue par un système paranoïde, empreinte des relations de pouvoir et de l’impression coupable d’une soumission permanente aux regards… même absents.
Lisant cela, certains se douteront avec raison que le peintre Martin Bureau et ce dernier partagent une solide amitié qui éclaire la complémentarité entre leurs oeuvres: tous deux privilégient la série en grand format, le schéma narratif, et on leur reconnaît une virtuosité pour la couleur dans un geste peint alliant acrylique et huile. N’empêche que chacun de ces deux diplômés de la même cohorte à l’UQAM demeure authentique.
À preuve, impossible de confondre leurs signatures picturales: plus ample chez Bureau, plus fouillée chez Sottolichio. On se rappellera aussi que dans la dernière année, si le Montréalais Sottolichio est demeuré plus près des espaces urbains, son alter ego, lui de l’île d’Orléans, a été plutôt attiré par les paysages naturels dans la représentation. Ainsi, si chacun s’ancre dans son environnement immédiat de production, on sent aussi qu’une perfusion lucide régule le choix de leurs sujets: un engagement qui n’investit pas le politique comme une pose de circonstance, mais qui scrute plutôt les différents visages de l’État et de sa guerre silencieuse contre l’individu. Ou encore, comme Sottolichio l’explique pour sa série Les Espaces publics, "dans la corruption [de ces mêmes lieux] par tous les avatars de la raison instrumentale et du commerce". Or, à comparer de mémoire ces deux peintres, mais aussi les oeuvres de cette exposition dont Les Sages, Les Autres et La Conspiration, on saisit mieux comment chacun embrasse le lourd héritage du siècle passé en le conjuguant à l’entrée apocalyptique dans le nouveau millénaire.
De même, si pour Foucault, "c’est le lien du désir à la réalité, et non sa fuite dans les formes de la représentation, qui possède une force révolutionnaire", il ressort que, pour Sottolichio, la peinture est un moyen d’accession à cette réalité par une représentation qui cherche à en révéler les absurdités dans un "désir de vérité" chargé d’une lucidité prophétique.
À voir si vous aimez /
Martin Bureau, Gerhard Richter, Dominique Gaucher