René Derouin : Entre deux eaux
Arts visuels

René Derouin : Entre deux eaux

ORO y SAL/OR et SEL de René Derouin propose un pèlerinage, quelque part entre l’Europe et l’Amérique, entre la vie et la mort.

L’artiste multidisciplinaire René Derouin, un accessible géant de l’art contemporain, a toujours eu un pied au Québec, l’autre au Mexique… et la tête dans les nuages. "Je suis profondément québécois, mais je me définis comme un "continentaliste". J’ai en moi une part du Nord et une autre du Sud. Ce rapport-là est très amérindien. Mon appartenance au territoire va au-delà du national. C’est un mouvement organique et intuitif qui est de l’ordre des outardes", explique calmement l’artiste.

À l’instar de son créateur, l’installation ORO y SAL/OR et SEL est une oeuvre qui a migré. Sa création s’est faite dans le cadre du Forum universel des cultures qui s’est déroulé au Mexique en 2007 et qui comprenait une exposition: "Les grandes idées du forum étaient reliées à mes thèmes: la migration, la rencontre des cultures…" La dualité, qui se retrouve jusque dans le titre de l’oeuvre, est au coeur de cette installation. "Presque toute mon oeuvre porte sur la dualité."

Ainsi, dans ORO y SAL/OR et SEL, plusieurs éléments s’opposent, à commencer par deux immenses barques qui servent de réceptacles à la migration de 350 figurines à travers le sel et l’or. "Au départ, je ne pensais pas que les bateaux allaient prendre une telle ampleur. Ils ont une allure mythique, un air égyptien ou viking, mais avec deux grands panaches qui symbolisent les orignaux." Voilà qui permet un joli clin d’oeil au Québec! "Le premier bateau s’en va en Amérique, l’autre s’en va en Europe. C’est l’Atlantique. C’est un passage." René Derouin invite d’ailleurs les gens à pénétrer ce passage. Dans la galerie, les murs et le plafond sont noirs; le lieu n’étant pas grand, on rentre immédiatement dans l’oeuvre. "C’est comme une chapelle."

"Entre l’or d’un bord et le sel de l’autre, il y a aussi le miroir qui crée une fiction, poursuit-il. Pour le public, l’oeuvre se découvre en se déplaçant; les gens deviennent des marcheurs." À l’image des figurines disposées dans les barques.

VIE/MORT

Le choix de l’or et du sel n’est pas innocent. Au-delà de l’opposition des couleurs, c’est ce que représentent ces deux matières qui intéressait René Derouin. "Le sel, c’est la mort. Celle-ci est symbolique, car dans le sel, il ne pousse rien et ça se dissout dans l’eau." Pourtant, c’est l’une des grandes sources de survivance de l’humanité. C’est une nécessité, l’essentiel de la vie…

Pour l’or, c’est l’inverse. "L’or est inutile à l’homme. Ça ne donne rien, c’est une valeur absolue de la civilisation, mais il représente le Mexique, l’Eldorado…"

En plus d’être une manifestation probante du travail de Derouin, ORO y SAL/OR et SEL revêt une certaine finalité. "Avec cette installation, j’ai touché à de grands symboles et c’est comme si je mettais fin à toute l’idée de la migration. Je crois que c’est la dernière oeuvre que je réalise comme ça. C’est la fin; j’ai poussé cette idée-là au bout." Un peu comme une outarde qui se rend jusqu’à la bonne destination.