11e Mois de la photo à Montréal : Image et société
Le 11e Mois de la photo à Montréal se poursuit. Les pièces de Rokeby, Léonard et Muñoz font partie des plus intéressantes de l’événement.
ROKEBY
Je ne peux pas dire que j’ai toujours apprécié le travail de l’artiste ontarien David Rokeby. Souvent, j’ai trouvé que la fascination pour la technologie y prenait le dessus sur le contenu (véhiculé ou absent). Mais voici que la pièce qu’il présente dans le cadre du MPM traite d’un ensemble de problématiques vraiment pertinentes.
Décrivons cette installation vidéo, intitulée Taken (2002). Le spectateur entre dans un espace sombre où il est suivi par un système de surveillance qui projette son image (et celle de visiteurs précédents) sur un grand écran. Cette image semble être interprétée par un système informatique qui après un court délai y ajoute une forme d’identification… Lors de mon passage, ce système de surveillance a semblé me désigner comme "captivé" et puis comme "convaincu"… Finalement, il m’a désigné comme "peu impressionné", ce qui m’a fait douter de la véracité de sa mécanique. Dans cette pièce, l’espace public devient un lieu de surveillance. Nos faits et gestes y semblent épiés et interprétés. L’autorité avec laquelle une telle chose est faite ne nous fait pas du tout douter de sa pertinence et de son efficacité. Pourtant, rappelons qu’en Grande-Bretagne, pays pionnier en la matière, la prolifération des caméras de surveillance n’a pas eu d’impact sur le taux de criminalité (selon l’aveu même de Scotland Yard). Dans notre époque, où ces caméras se multiplient et permettent de faire des vidéos d’attentat très intéressantes pour les médias, voilà une oeuvre qu’il faut observer. Jusqu’au 4 octobre, à la maison de la culture Plateau-Mont-Royal.
LEONARD
Toujours du côté de l’art réfléchissant au lien entre image et société, il y a Statistical Landscape (In the Eye of the Workers) (2004) de la Québécoise Emmanuelle Léonard. Comme pour sa série Les Travailleurs (de 2002), Léonard a demandé à des individus de photographier leur lieu de travail. Vingt personnes, représentant 20 secteurs d’activités à Toronto, ont joué le jeu. Elle a ensuite agrandi ces photos selon l’importance du domaine dans lequel chacun s’affaire.
Une oeuvre que plusieurs membres du milieu de l’art ont peut-être vue à Toronto (à la Mercer Union Gallery), mais qu’il fallait remontrer ici. Léonard retravaille avec intelligence l’ancienne hiérarchie des genres artistiques. Autrefois, c’était le portrait du Roi ou du Christ qui occupait le plus de place sur le mur d’exposition. Maintenant, c’est l’activité économique qui mène le monde. Jusqu’au 11 octobre, aux Ateliers Jean Brillant.
MUÑOZ
L’artiste colombien Oscar Muñoz nous invite à explorer un théâtre sinistre de l’image. Dans Aliento [Souffle] (1996-2002), il nous confronte à de petits miroirs ronds accrochés au mur. Pour pouvoir voir autre chose que sa propre image, il faut souffler d’une haleine humide sur ces miroirs. Des images fantômes de visages de victimes politiques apparaissent alors. Cela fonctionne plus ou moins bien, et les images ne sont guère lisibles. Néanmoins, le dispositif ingénieux change de la photo sous plexi ou de la photo copiant la pub, formes tellement à la mode de nos jours. Jusqu’au 11 octobre, à la maison de la culture Frontenac.
À voir si vous aimez /
Thomas Kneubühler, Miki Gingras et Patrick Dionne, Alfredo Jaar
David Rokeby:
Emmanuelle Léonard:
Oscar Muñoz: