Ronald Thibert : La main de Géricault
Pour sa troisième édition, le symposium d’art multidisciplinaire du CNE reçoit un pilier de l’art monumental, Ronald Thibert.
Impossible de se tromper. Une immense sculpture flanque la porte d’entrée de cette demeure: nous sommes au bon endroit. Accueillant, l’artiste ouvre la porte et nous invite à sa suite. Dans tous les coins de la maison, des oeuvres gigantesques sculptées dans des poutres et d’imposantes pièces de bois font le guet.
Au coeur de l’atelier de Ronald Thibert, aménagé dans le garage, une pièce est en train de naître, dans un nid de poussière et de copeaux baigné par la chaleur d’une lampe articulée. C’est une main encore un peu rustre mais promise à cette finesse dont est capable l’artiste. "C’est inspiré de la dernière oeuvre de Théodore Géricault", explique-t-il en prenant place près d’elle, rappelant ainsi son intérêt pour le travail de celui qui a signé Le Radeau de la méduse. "Quelques jours avant sa mort, il a pris sa main gauche et l’a tracée, un peu comme un enfant ferait, et il en a fait le dessin. C’était sa dernière oeuvre. Mais c’était récurrent. Géricault avait déjà utilisé la main d’Eugène Delacroix, qui était à ce moment-là un jeune peintre et un ami, pour un élément du Radeau de la méduse, peinture avec laquelle j’ai déjà travaillé. Alors cette main-là, d’une certaine façon, j’y reviens."
Étrange, sans doute, de voir s’imposer parmi la relève un homme qui en était déjà rendu, de son propre aveu, à penser en termes de rétrospective de carrière. Devra-t-il jouer le rôle de mentor auprès des 26 artistes émergents qui créeront des oeuvres en direct dans le cadre de l’événement La relève sympose? "C’est plutôt l’idée d’un contact, d’une rencontre. Les jeunes ne m’ont pas nécessairement tous connu… En même temps, je trouvais ça intéressant d’être invité. C’est un petit coup de pouce stimulant. Je vais voir ce qui se passe, comment les plus jeunes abordent l’idée d’un symposium…"
Aiguillée par la férule des anecdotes, l’entrevue retracera peu à peu l’histoire récente de l’art au Québec et dans la région: de la Commission d’enquête Rioux sur l’enseignement des arts au Québec à la refonte de la charte de l’organisme Touttout, en passant par la naissance du module des arts de l’UQAC et la création de différents programmes d’enseignement. Toutes ces avenues qu’a empruntées l’art au cours des dernières décennies avaient quelque chose en commun: chaque fois, nous aurons trouvé dans le pavé cette pierre posée par Thibert, engagé depuis toujours… Un engagement qui lui aura joué quelques tours: "Après mon cours classique, j’ai dû aller poursuivre mes études en Angleterre parce que je n’avais pas assez fait de sculpture sur place. J’étais tellement occupé à faire de l’action politique que je prenais un petit peu de raccourcis pour faire les choses plus vite…" avoue-t-il non sans une pointe d’autodérision.
Depuis, le sculpteur a su prendre le temps. En témoignent les nombreuses pièces monumentales créées sur son parcours, qui auront demandé beaucoup de soin. Finis, les raccourcis: aujourd’hui, tous les détours sont permis, et le prochain qu’il empruntera le mènera dans cette ambiance toute particulière qui animera le symposium d’art multidisciplinaire, au Centre culturel du Mont-Jacob, où le public est aussi invité à rencontrer les artistes… et à serrer la main de Ronald Thibert.
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