Mathieu Dagorn : En position
Arts visuels

Mathieu Dagorn : En position

Avec Anamorphoses, Mathieu Dagorn force le regardeur à constamment se repositionner par rapport à ce qu’il donne à voir: le CHUS. Rencontre non statique.

Une rôtissoire à kebab en gants de latex, une brique en gants de latex, une boule disco en gants de latex. Autant de pièces iconoclastes figurant au portfolio de Mathieu Dagorn, dont l’exposition Anamorphoses (étude de cellules de troisième peau) envahit actuellement Sporobole dans le cadre de l’événement Espace [im] média. Une oeuvre marquée au fer rouge par la formation en biochimie et le travail en laboratoire de recherche appliquée de l’artiste français. "Je suis un scientifique qui est devenu artiste, contrairement à des artistes qui sont devenus scientifiques", précise-t-il, tenant à se distinguer de certains de ses contemporains, prosélytes de la science, complètement "obnubilés, qui sont toujours dans la fascination de l’objet".

Composée de dispositifs installatifs photo-vidéo – des moniteurs télé suspendus l’écran vers le bas et sur lesquels sont apposés des miroirs cylindriques (ressemblant à des bouts de tuyaux de sécheuse) -, Anamorphoses propose de voir le CHUS de Fleurimont sous un angle inédit. Projetées dans le tube cathodique, des photos panoramiques et difformes des bâtiments du centre de recherche sont réfléchies par les miroirs de sorte à ce qu’on puisse les percevoir nettement. "Le fait de déformer tout ça permet de piper la notion de documentation", explique l’artiste pour qui exposer de simples photos du CHUS se serait avéré inintéressant.

BOUGER, BOUGER

Mathieu Dagorn s’offusque presque lorsqu’on lui demande ce sur quoi il faut exactement poser notre regard dans ses pièces, l’image déformée ou l’image réfléchie. "C’est actif comme contemplation, tu ne peux pas rester là, tu es obligé de constamment te poser des questions." Une oeuvre qui se fait avec son regardeur, en "équilibre dynamique", résume son créateur, un concept auquel son travail s’abreuve goulûment.

Mais qui, au fait, avait statué que l’art contemporain ne devait pas solliciter les ischio-jambiers? "L’équilibre dynamique, ce n’est pas qu’une métaphore intellectuelle. Quand tu regardes les moniteurs suspendus, faut que tu te positionnes, vraiment, faut que tu trouves le bon angle. Selon ta taille, selon où tu te poses, tu vas pouvoir redresser la perspective plus ou moins justement. C’est vraiment physique", insiste-t-il.

Après avoir fétichisé les instruments de labo – il était un temps obsédé par les gants de latex -, le scientifique est donc sorti voir l’envers du décor. "Je commençais à me poser des questions sur l’architecture. Au bout d’un temps, je suis revenu à mes histoires de labo et je me suis dit: "Si tu prends des labos et que tu les mets ensemble, ça fait des bâtiments." Il se trouvait qu’il y avait le CHUS qui était un peu excentré, donc on pouvait facilement aller autour. C’est perdu dans la nature, c’est un bâtiment qui est posé là, qui trône comme une espèce de château."

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NÉ ICI

Au-delà des préoccupations esthétiques et intellectuelles, Anamorphoses trouve sa source dans la biographie de Mathieu Dagorn, né à Sherbrooke en 1975, alors que son père, chercheur, y effectuait un séjour de travail. "Quand les gens me demandaient c’était comment Sherbrooke, je devais répondre "Je sais pas trop", raconte celui qui n’avait vécu que les trois premiers mois de sa vie dans la Reine des Cantons. Je suis content que Sherbrooke ne soit plus qu’un concept, que Sherbrooke soit devenu une réalité." Invité à participer à Espace [im] média par Sébastien Pesot, organisateur de l’événement depuis 2007, le Berlinois d’adoption agit à titre de commissaire (avec Barbara Ueber et Herbert Christian Stöger) de la soirée de projection vidéo Pubs d’artistes, présentée le samedi 3 octobre à 19h, à Sporobole.