Le nu dans l'art moderne canadien, 1920-1950 : Au moment de la pudeur
Arts visuels

Le nu dans l’art moderne canadien, 1920-1950 : Au moment de la pudeur

Mettant un terme à plus de sept années de recherches exhaustives et à un long silence dans l’histoire de l’art d’ici, le MNBAQ ose Le nu dans l’art moderne canadien, 1920-1950.

Dénudé, je m’offre au regard de l’autre. Je soumets mon corps inconnu à son désir de voir. À son oeil approbatif, je rends l’image entière de ce qui était encore couvert. Au moment de la pudeur, exhibition cherche voyeur, et n’est-ce pas à ce moment symbolique que modèles nus et artistes, conservatrices et commissaires, et aussi les critiques à leur suite, doivent tous ressentir un même vertige? S’il en est, est-ce celui de l’approbation du public, de l’envie de montrer la fragilité de leurs images respectives sans qu’elles soient brisées mais bien portées aux nues par le jugement de l’autre?

Heureusement, rien ne sera blessé, avec d’aussi bons morceaux que le Baiser de Roussil (qui vaut bien, à sa manière, celui de Rodin), la renversante Fustigée de Borduas, la surprenante Kathleen Munn, les photographies de Horace G. Cox et tant d’autres exemples. Sur 128 oeuvres, nus et académies confondus, impossible que l’esthète ne trouve pas son compte dans la diversité.

Alors qu’on trouvera que le parcours ouvert est parfois un peu labyrinthique, peut-être que les néophytes ou amateurs de narrations très structurées se sentiront dépourvus sans l’audioguide; mais pour le dilettante voulant juxtaposer plusieurs oeuvres d’un seul regard, ça restera toujours un bien. Je n’ose pas parler de la trop thématique couleur chair mise à nu des murs, car je ne m’y ferai jamais: j’aime trop le blanc. Je vous laisse juger de la superposition d’une vaporeuse palette pastel à un corail franc, saturé. On dira que c’est personnel, mais d’opposer des couleurs déjà équilibrées entre elles à une autre me fait toujours un drôle d’effet.

Sans cela, il y a le catalogue qui rend justice au dense travail de recherche, aux reproductions abondantes et réussies avec plusieurs pièces inédites. Par contre, on pourra déplorer que l’analyse formelle des oeuvres y soit souvent beaucoup donnée par la fortune critique passée et que, par cela, le discours verse surtout dans la sociologie de l’art. Oui, la tentation est parfois forte de cristalliser le scandale autour d’un sujet déjà délictueux, mais l’intuition demeure que le véritable problème pour l’artiste consiste encore, même à cette époque, à transcender les techniques pour arriver à une vérité esthétique personnelle. Par exemple, le pictorialisme ou le pinceau particulièrement révolutionnaire de Lyman auraient gagné à être expliqués encore plus avant, mais avec des mots d’aujourd’hui. Car j’ose croire que l’autoréférentialité n’explique pas tout, il y a plus, mais quoi?

Si l’art du nu allie au plaisir des formes celui de la chair, et malgré que le corps dépouillé semble avoir été banalisé par sa surmédiatisation, oser présenter un genre aussi difficile à bien réussir oblige à un beau courage. Le défi est relevé.

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Le sens de la peau de Maxime Coulombe, Matisse, Brassaï