Tricia Middleton : Bouh!
Arts visuels

Tricia Middleton : Bouh!

Tricia Middleton nous offre une maison-grotte effrayante digne de l’Halloween. Simple jeu visuel sur l’étrangeté ou réflexion plus profonde sur le monde et l’humain?

Comme je le mentionnais la semaine dernière, le fantastique et le merveilleux reviennent en force en art contemporain depuis quelques années. Nous pourrions voir dans notre époque un retour aux valeurs du romantisme ou de la nébuleuse symboliste du 19e siècle. Subjectivité accrue, fascination pour le fantomatique, le fantasmagorique, le féerique, le précieux et le crypté sont de retour. They’re back! Mais ce qui est vraiment inquiétant, c’est que cela va parfois de pair avec un côté très décoratif (que la tendance symboliste avait déjà incarné chez ses moins bons représentants). De nos jours, les têtes de mort, les squelettes, les vampires et autres créatures légendaires grouillent de partout, parfois pour le mieux, parfois pour le pire. Ils ont la cote même chez les couturiers branchouilles et les stylistes pour enfants…

La plus récente installation de Tricia Middleton incarne bien cette tendance fantastique. Dans Dark Souls, elle présente un espace digne d’une maison hantée ou d’un film d’horreur. Mais Middleton évite cette préciosité vide de sens que parfois recèle l’art mystico-féerique actuel. L’aspect peu ragoûtant de l’ensemble (certaines salles ressemblent à un capharnaüm de matières gluantes séchées et de déchets évoquant le lendemain d’un party) est bien loin d’une récupération jolie de l’étrange. Si vous regardez de plus près cette maison-grotte hantée, vous découvrirez un propos vraiment inquiétant. Comme l’écrit la commissaire Sandra Grant Marchand, Middleton montre les "ruines fictives d’un monde voué "au progrès à tout prix"". En effet, dans cette installation, les vrais sujets sont la pollution et les déchets de notre monde de consommation. Et cela, sans tomber dans le littéral. Ce lieu hanté semble celui d’apprentis sorciers, industriels, exploiteurs, mais aussi consommateurs de la planète qui auraient perdu la maîtrise de leurs activités… Le titre de cette expo fait d’ailleurs référence au roman Les Âmes mortes de Nicolas Gogol où il critiquait la médiocrité humaine et la cupidité sans limites… Y a-t-il de l’espoir? Dans une salle où est juste exhibé un ballet (magique?), le ménage de ce monde pollué semble avoir été fait. Sur un écran vidéo, on peut voir une nature luxuriante. Croisons les doigts pour que cela soit aussi facile à réaliser sur la planète…

À voir si vous aimez /
Patrick Bernatchez, Valérie Blass, le film La Famille Adams