Marcellin Dufour : Virage abstrait
Arts visuels

Marcellin Dufour : Virage abstrait

Que ce soit par la figuration ou l’abstraction, le langage plastique de Marcellin Dufour se distingue grâce à l’empreinte de la forêt québécoise et aux symboles quasi asiatiques.

En accueillant l’exposition Dufour – Métamorphose, le Centre culturel Yvonne L. Bombardier offre à Marcellin Dufour une rétrospective digne de l’oeuvre de ce peintre québécois au parcours diptyque. "C’était un de mes grands rêves. Quand j’ai visité l’endroit, j’ai dit: "Batoche! V’là la place!"", relate l’artiste au coloré langage.

Sa carrière s’amorça au début des années 60 par des peintures de figuration. "C’était du paysage. J’étais de la région du Saguenay. Là-bas, ce qu’on voyait beaucoup, c’était du figuratif. Ça m’a dévié un p’tit peu, mais même au début, on voyait bien que j’avais une tendance pour l’abstraction." De ses premiers tableaux jusqu’aux plus récents, il y a des signes qui reviennent sans cesse: des points blancs, des lignes noires… "C’est toujours la même oeuvre dans le fond." Tout de même, une coupure évidente, la fameuse métamorphose, s’est faite progressivement dans les années 80. "Quand on vit de son art, ce n’est pas facile. Mes paysages se vendaient bien. Ce fut comme un changement de carrière. Jusqu’en 1987, je revenais au figuratif, mais je stylisais de plus en plus mes paysages."

Instinctivement, ses oeuvres abstraites sont restées gorgées des feuillus et conifères de son passé. "C’est un non-figuratif différent. On y voit des formes d’arbres. Y’a de la nature dedans! Je suis un passionné de la forêt. Jeune, j’en avais peur. D’ailleurs, on cherche toujours à exprimer ce qui nous attire le plus ou ce qu’on craint profondément. Ça se fait naturellement."

Une indescriptible écriture est également distinctive dans l’oeuvre de Dufour, qui s’est intéressé aux techniques du lettrage et de l’enseigne lors d’études à un studio d’art graphique. "Peut-être que les gestes appris à l’époque ont eu une influence, peut-être que je les ai adaptés. C’est sûr que j’ai pris ça quelque part." Reste que tout cela a pris la forme de signes asiatiques. "Ça peut ressembler à leurs écritures, des symboles de leurs coutumes anciennes. Il y a une espèce de graphisme là-dedans qui est bizarre. C’est tellement rendu stylisé…"

"Je me souviens d’une exposition en Suisse, raconte-t-il. Il y avait des Japonais qui riaient devant un tableau… J’ai dit à ma femme: "Y rient de moi!" Finalement, ils voulaient tous des tableaux. Ils adoraient ça. (rires)"

BLOCAGE ET RENOUVEAU

Son langage plastique particulier, on le reconnaît sans signature. "C’est ça qui est important pour un artiste, car tout a été inventé." Voilà une belle modestie venant d’un artiste qui fut comparé à Borduas et Riopelle. "Riopelle, c’est un artiste extraordinaire. Je ne peux pas dire qu’il ne m’a pas influencé. La lumière qu’il y a dans mes grands tableaux, sans que ce soit du Riopelle, ça peut faire penser à sa période de 1957."

Cherchant à se renouveler, Marcellin Dufour a exploré le 3D… sans que ce soit de la sculpture. "Je voyais la troisième dimension. J’ai donc travaillé sur des vases pour une petite série d’oeuvres." Cette période fut courte car un important blocage a suivi. C’était il y a sept ans. Depuis, il juge être revenu plus fort. "Ce fut un méchant défi de reprendre le travail, en restant moi-même, tout en me renouvelant." Voilà une alchimie qu’a réussie Dufour.

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