Le Monde à l’envers : Envers et contre tout!
L’art de tout remettre en question est cultivé depuis des années par les créateurs. Ce qui se fait de mieux en la matière est à l’honneur au Musée d’art de Joliette jusqu’au 3 janvier, dans l’expo-synthèse Le Monde à l’envers.
Une affiche devrait prévenir les visiteurs sur le point de franchir le seuil de l’exposition en cours au Musée d’art de Joliette: "Merci de bien vouloir laisser votre conception du monde au vestiaire." Le Monde à l’envers, tel qu’imaginé par le commissaire Richard William Hill, est une invitation à chasser toutes les idées préconçues imposées au fil du temps par les conventions sociales et culturelles. Pourquoi tenir pour acquis que les pays du Nord doivent être situés sur le haut d’une mappemonde? Et si c’était le contraire? Et si le Brésil se trouvait plutôt à la latitude présentement consentie au Groenland? Le résultat, d’abord amusant, apparaît sur une carte géographique qui capte l’attention du visiteur plus longtemps qu’on ne pourrait le croire…
L’exposition réunit ainsi des oeuvres d’art contemporaines d’artistes socialement engagés, mais également des pièces d’anthologie issues de la culture populaire. L’oeuvre des Monty Python trouve sa place entre une planche de bande dessinée de Superman en République soviétique et des clichés du film La Planète des singes. Des éléments qui détonnent à première vue dans un musée quand on s’attarde à la valeur artistique du produit. Mais la vision de leurs créateurs vient rejoindre en tout point celle des autres artistes contemporains de renommée choisis pour l’exposition: un désir de remettre en question les codes établis.
Dorothée au Manitoba
Pour l’artiste Renée Cox, cette revendication s’illustre par une représentation bien particulière de la Cène, le dernier repas tel qu’imaginé par Léonard de Vinci. Dans sa reprise photographique intitulée Yo Mama’s Last Supper, l’Américaine d’origine jamaïcaine prend la place du Christ au centre de la table, complètement nue. Tous ses disciples sont d’ailleurs d’origine afro-américaine. Renée Cox s’est permis cette interprétation en spécifiant que Léonard de Vinci avait lui-même représenté les personnages de la Bible à son image.
Le conte Le Magicien d’Oz goûte aussi à la médecine de l’art contemporain. L’artiste Rosalie Favell reconstitue la scène du réveil de Dorothée, transposée dans la réalité manitobaine du 19e siècle, dans un photomontage. C’est donc Louis Riel qui incarne le magicien et une couverture de la Compagnie de la Baie d’Hudson qui couvre la jeune femme. Les oeuvres aux références autochtones sont d’ailleurs nombreuses dans le catalogue de l’exposition. La série Cosmosquaw de l’artiste cri Lori Blondeau est probablement une des meilleures illustrations de ce que permet la stratégie artistique de l’inversion, c’est-à-dire contester les symboles traditionnels auxquels nous sommes habitués. Ainsi, une femme autochtone aux formes rondelettes prend la pose en surfeuse séduisante vêtue d’un bikini… les deux pieds dans la neige!