Contrainte : Souriez, vous êtes filmés
À travers l’exposition Contrainte, qui investit à la fois la galerie Oboro et la maison de la culture Marie-Uguay, des artistes du Pérou et du Brésil nous parlent de la société actuelle et de ses dérives sécuritaires.
Récemment, dans un journal, je lisais le commentaire ahurissant d’un conseiller pour une agence de sécurité qui prédisait que, bientôt, il y aurait des caméras de surveillance comme il y a des détecteurs de fumée, c’est-à-dire partout… Le monde a bien changé. Il fut une époque, pas si lointaine, où l’on aurait crié au fascisme ou au totalitarisme si on avait proposé d’installer des caméras de surveillance dans nos villes. Pourtant, de nos jours, Londres et New York (entre autres) sont balayées par de tels engins.
C’est l’un des sujets abordés ces jours-ci par une exposition d’artistes péruviens et brésiliens. Intitulée Contrainte, elle traite principalement de l’utilisation des technologies dans la banalisation de la surveillance des citoyens et du monde. Un exemple.
Une des pièces maîtresses de l’ensemble est sans nul doute Stereo Reality Environments 3: Brutalismo de José Carlos Martinat. Cette oeuvre, récemment accueillie dans la collection de la Tate Modern, est une maquette du Petit Pentagone à Lima, bâtiment où se retrouve le service du renseignement de l’armée péruvienne. Cet édifice a été construit dans un style appelé le brutalisme, architecture qui a fleuri au Pérou sous la dictature militaire (1968-1979). Je vous jure que je n’invente rien… Il fut dans ce pays le centre de surveillance des citoyens, mais aussi le lieu de plusieurs interrogatoires et meurtres. De cette maquette, qui ressemble à un bunker, sortent parfois quelques morceaux d’information, papiers imprimés, extraits de sites Internet où l’on parle du brutalisme… C’est comme si ce bâtiment surveillait ce qui se dit sur lui et ses secrets.
Les trois commissaires, Julie Bélisle, Kiki Mazzucchelli et Miguel Zegarra, signent une expo très pertinente avec les artistes Amilcar Packer, Rodrigo Matheus, Gabriel Acevedo Velarde…
Quelques oeuvres sont moins réussies toutefois. Les reconstitutions en 3D d’armes à feu à partir de jeux vidéo (de Gisela Motta et Leandro Lima) offrent une réflexion simpliste, expliquée ainsi dans le texte de présentation: "L’expérience virtuelle est-elle moins réelle que "la vraie vie"?" À ce jeu-là, la fiction dans les romans ou dans les films serait bien inquiétante…
Un conseil en terminant: les meilleures pièces sont chez Oboro.
À voir si vous aimez /
Taken de David Rokeby