Paul Souviron : Sentiers de construction
Arts visuels

Paul Souviron : Sentiers de construction

Paul Souviron a démarré sa résidence à Langage Plus avec comme moteurs divers symboles d’identité régionale tels le pick-up, la forêt et l’imagerie du loup. Visite de l’exposition Chandail de loup deux temps.

En face des grandes vitrines de Langage Plus, l’impression fugitive de s’être trompé d’adresse peut effleurer l’esprit. Ou alors ils ont entamé leurs travaux de rénovation? Bien vite on comprend, en suivant les lignes de madriers formant des structures, que Paul Souviron, l’artiste accueilli, a su exploiter admirablement cet espace en mutation. Le centre en art actuel y a effectivement emménagé en décembre 2007. En franchissant la porte comme on entre dans la cour arrière d’un bricoleur, la propreté et l’aspect méthodique contrastent avec le sentiment de se trouver dans un lieu en construction. Les éléments en attente de finition ont été assumés dans la proposition artistique: l’absence de revêtement au sol, un troupeau de néons libérés du joug du plafond, les conduits de ventilation.

Des montages photographiques témoignent des interventions réalisées dans un centre commercial du coin. En continuité avec sa pratique, l’artiste strasbourgeois a glissé des oeuvres pliables ou gonflables sous la porte de locaux vacants. Une fois introduites, les Structures intrusives (ou S.I.) prennent leurs aises sans autorisation, donnant à voir aux passants de savoureux tableaux éphémères.

BETES ELECTRIQUES

Les assemblages de poutres de bois courant dans la galerie forment des enclos enfermant des oeuvres, bétail surprenant. On se croirait presque dans un musée d’histoire naturelle ou un parc zoologique, déambulant dans ses allées aménagées. Regardez! Une boîte de camion au sol sur laquelle on lit l’inscription "Super vision". À l’intérieur de ce vivarium singulier, une sableuse électrique se repose. Elle manifeste ponctuellement sa furie en s’animant bruyamment. Comme sa voisine, la scie ronde, qui tranche violemment votre concentration. L’installation où elle prend place transforme une séance de coupe en paysage hivernal. D’un blanc familier piqué de quelques conifères isolés dans un coin, cette maquette évoque la coupe à blanc.

Un tiers membre de ce bestiaire, imposant, dénonce les effets de nos abus. Un pick-up surdimensionné flotte, attaché par des courroies. Dessin épuré, sa carrosserie est fabriquée en planches ayant gardé leur écorce, vivante contradiction entre le matériau (nature) et les contrecoups de la machine (pollution). Ce camion a quelque chose d’animal, avec sa colonne vertébrale de prises de courant et ses multiples mandibules. Elles tâtent, elles sentent, elles pointent avec des niveaux à laser à chaque extrémité. Technologie, construction et vivant tirent les lignes d’une recherche à l’abord masculin et manuel de jus de bras.

Souviron arrive à utiliser des clichés identitaires de façon créative et personnelle, restant loin du kitsch convenu ou du réchauffé. Une exposition qui vaut la peine d’être explorée dans ses nombreuses couches d’interprétation. Hâtez-vous, plus que quelques jours…

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DISCUTONS DONC

Langage Plus, conjointement avec les professeurs de philosophie du Collège d’Alma, organise depuis septembre des soirées de discussion. Deux fois par mois, le Café philo invite étudiants, artistes et toute personne intéressée à se retrouver dans ses locaux afin d’échanger autour d’un café. Les sujets peuvent toucher autant l’actualité que les enjeux de l’art. Cette initiative a également le mérite d’amener de nouveaux publics à côtoyer l’art actuel. Surveillez la prochaine rencontre qui aura lieu le 24 novembre. En marge de sa programmation, voyez aussi la salle projet, une pièce à fonction ouverte, occupée par une installation d’Elvira Santamaria jusqu’au 22 novembre. Les activités régulières du centre se poursuivent avec Éric Cardinal dès le 4 décembre.