Laurent Craste et Fred Laforge : Tout est vanité
Arts visuels

Laurent Craste et Fred Laforge : Tout est vanité

Laurent Craste et Fred Laforge réinterprètent des codes esthétiques familiers et tentent de les ruiner afin de nous rappeler notre désir de paraître.

À l’heure où l’art, sur la scène internationale et même souvent ici au Canada, est redevenu majoritairement une décoration pour maisons de riches, une autre marchandise à la mode qui a de moins en moins de signification critique et de plus en plus de pouvoir de séduction, le propos tenu par Laurent Craste me semble bien sympathique. Cet artiste d’origine française réalise des vases de porcelaine et de faïence qui semblent s’avachir comme de vieilles chaussures et couler comme un camembert oublié sur une table… Ces vases d’inspiration néoclassique (faisant penser aux modèles conçus par la célèbre compagnie Wedgwood) apparaissent ne plus pouvoir tenir debout, ne semblent plus vouloir jouer leur rôle d’incarnation d’un décorum majestueux et pompeux. Ils sont en train de se déformer, ici sous la pression d’une hache, là d’une barre à clous… Dans son Esthétique du saccage, Craste veut dégonfler la boursouflure du monde. Il tente de la clouer (littéralement et symboliquement) au mur de l’iconoclasme artistique.

Certes, il s’agit d’une production qui n’est pas à l’abri d’un certain maniérisme et de quelques trucs faciles. Les graffitis sur un des vases présentés me semblent une manière un peu simple de ruiner l’esthétique bourgeoise. Mais étant donné la réaction négative de la majorité de la population, encore de nos jours, à l’égard des graffitis, cette pièce pourra sembler efficace à plusieurs. J’aurais aussi aimé une structure installative plus complexe, moins basée sur la simple répétition d’un seul motif… Néanmoins, une recherche pertinente.

Fred Laforge

Autre manière de renverser les codes esthétiques…

Artiste originaire de Chicoutimi, Fred Laforge a participé à la Manif d’art de Québec en 2002 et au Symposium de Baie-Saint-Paul en 2000. Son expo qui vient de s’achever à la Galerie Circa, intitulée Projet: 45 XY der(21)t(21;21), traitait de la question de la standardisation de la beauté. Il y montrait des individus trisomiques comme on imagine les héros de la statuaire grecque antique ou les bustes des nobles romaines. Les dessins grand format que Laforge expose à la Galerie [sas] vont dans un sens similaire, celui de remettre en question les codes de la beauté. Une femme y exhibe ses beaux cheveux longs. Mais cette tignasse ne paraît pas vraiment une coquetterie ou un atout sexuel… D’une image à l’autre, elle se révèle de plus en plus comme un poids, une prison s’emparant du corps qu’elle est censée parer. Elle semble agacer sa propriétaire et même l’étouffer. Une animalité (poilue) déroutante en émerge. Dans certaines images, cette chevelure tient du parasite dévorant son corps hôte. Les dessins de Laforge font penser à la fabuleuse série des hirsutes de René Donais. À d’autres moments, ils évoquent certaines de ces images de Marie Madeleine repentante qui n’a plus, dans le désert, que ses cheveux pour se couvrir. Certes, dans la dernière décennie, nous avons beaucoup vu ce type de dessin. Néanmoins, Laforge tire bien son épingle du jeu.

À voir si vous aimez /
René Donais

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