Annie Baillargeon : Corps chorégraphies
Dans son projet Emballage anatomique, Annie Baillargeon poursuit son orchestration d’envolées de corps, ballets grinçants.
Annie Baillargeon puise, entre autres, dans le grotesque pour mettre en scène des historiettes qu’elle raconte par des performances photographiques. Dans cette série d’oeuvres numériques, elle cherche davantage l’accomplissement de motifs. On pense à du papier-cadeau ou à du papier peint, et ces kaléidoscopes ornementaux dévoilent une multiplication de corps. Baillargeon a invité d’autres personnes à participer à ces huis clos, qui lui étaient jusque-là réservés. Elle n’est plus l’unique actrice de ses assemblages photographiques qui donnent à voir des allégories mystérieuses de l’état humain.
SOUFFLE
La plupart des oeuvres de l’exposition fonctionnent par deux, donnant l’impression que celle de droite inspire et que celle de gauche expire. Donnant aux yeux une montée intense d’oxygène, certaines compositions semblent de grands ciels nus traversés d’oiseaux. Cette lumière crue qui se dégage, le blanc du papier, ou ce noir qui serre au ventre installent un espace dans lequel les figures flottent, volent et pulsent. Un frisson existentiel traverse la moelle. Les petits peuples se déploient et s’organisent en agglomérations, ou se laissent dériver.
Le diptyque Sauvetage est constitué de rondes d’amour formant des cellules d’affection. Un cercle fait de deux personnes face à face, bras ouverts se rejoignant, rappelle une bouée dont chaque moitié sauve l’autre. Cet élément se répète pour apprêter les motifs divers fabriquant un tout. Il en est de même pour l’ensemble des duos d’impressions, chacun développant ses motifs et une ambiance particulière.
ÉTOUFFEMENT
On trouve certains personnages dans plus d’une oeuvre. Lilliputiennes agressives attaquant une géante, femmes au masque de chat ou à la tête gobée par différentes cagoules et portant d’étranges masses cireuses, genre d’enfants informes, masses de chairs incultes. Les compositions attrayantes révèlent, de près, des catastrophes. De noirs avions humains, oiseaux sinistres, pullulent et crashent. Deux figures sorties tout droit d’un pyjama party tentent par jeu de les refaire voler, les lançant avec un drap coloré. Ils foisonnent comme une nuée d’insectes raidis au matin, ces Icare obscurs incapables de rayonner.
Une idée d’asphyxie s’insinue avec ambiguïté, ici dans des êtres à la vue strangulée de peau, là dans des "désindividus" à l’habillement étouffant. Le conflit et la violence comme leitmotiv n’excluent toutefois pas un certain réconfort, une illusion de sécurité apportée par le regroupement et l’agglutinement. Dégoût et horreur entraînent le déroulement de rituels énigmatiques pleins de féminité et à forte charge symbolique.
On remarque également un Monolithe de l’amour, une cimaise transformée en sculpture. Les atomes conçus par des couples blancs ou rouges ont des grappes de ballons en guise de tête. Ils ont été imprimés et découpés, puis collés sur le mur amovible, noyés parmi des bras, des membres perdus. De la détresse et des restes humains… Ceux qui connaissent le travail de Baillargeon ne seront peut-être pas surpris, mais tous risquent d’être ravis.
À voir si vous aimez /
La performance photographique, le collectif Les Fermières obsédées, le motif