Denys Morisset : La Légion des placards
Arts visuels

Denys Morisset : La Légion des placards

Denys Morisset n’est pas mort et son insoumission revient nous hanter: à L’Inox, au Fou-Bar, au Sacrilège, à la Lunetterie du Faubourg, à la Taverne Belley et chez Michel Latouche Joaillier.

Morisset est un de ces anges rebelles résistant à l’oubli. Si bien qu’il se manifeste simultanément dans six lieux pour une seule et même exposition rétrospective intitulée Morisset… Mort ici. Quelque chose qui, il nous semble, n’a jamais eu lieu pour aucun artiste et constitue en soi la preuve d’un phénomène paranormal: le don d’ubiquité de l’esprit frappeur. Notre cité pourra donc célébrer l’indomptable jusqu’à la fin janvier 2010, grâce à l’initiative d’un de ses amis les plus chers, Pierre Bernier, alias "M. Vélo", rue Saint-Jean. Comme il l’explique: "Morisset est mort ici depuis 20 ans déjà. Il m’a semblé que c’était l’occasion de ressusciter son oeuvre dans toutes ses facettes."

Mais pourquoi son nom nous est-il presque inconnu? "Au Québec, on met souvent un bonnet d’âne aux vilains qui n’ont pas respecté les règles de l’ordre établi", confirme notre interlocuteur. Ces artistes ont été jugés à tort selon des considérations qui n’ont rien à voir avec l’art lui-même, ont été punis pour leur révolte ou leur bohème affichée. Et leurs oeuvres forment maintenant la "Légion des placards". Autant de cadavres qui menacent un jour de s’échapper pour semer l’épouvante chez les historiens de l’art. On peut déjà s’imaginer ces derniers, courant dans tous les sens pour se réfugier dans les certitudes bibliques de leurs livres. Ils y reliront les mêmes préjugés ad nauseam, alors que les spectres attendront aux portes de leurs églises.

C’est que Denys Morisset, l’artiste, a eu deux torts majeurs, outre son indocilité. Être le fils de Gérard Morisset, un des fondateurs du Musée de la Province (MNBAQ), mais aussi… être amateur de canulars. On se rappellera qu’en 1954, il avait soumis de "faux" tableaux automatistes qui avaient été acceptés par Borduas pour figurer lors de la dernière exposition du groupe. Puis, colère et incompréhension, rejeté de l’establishment de tous les côtés, que lui restait-il à espérer, sinon le tribunal de l’histoire?

Plusieurs oeuvres de la fin des années 50, de même que certains portraits au rouleau à peinture vers 1975, démontrent une habileté certaine. Une palette sobre et intelligente de camaïeux en couleurs terreuses (à voir au Fou-Bar). Et ces dessins au fusain rehaussés où il revisite les lignes d’un Pellan des années 40 ne valent-ils pas cent fois les authentiques faux de ce maître qui circulent en ce moment à prix d’or? Ne montrent-ils pas une maîtrise impeccable des proportions et de la ligne?

Bien sûr, certains morceaux n’affichent pas toujours une même réussite et leurs rendus n’ont pas tous la même vigueur, donnant parfois dans la "décorativité". Certains y verront un problème, nous y voyons plutôt l’expression de la création elle-même: 40 ans de frondes et de sauvageries ne pourront jamais donner lieu à une homogénéité de style.

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