Guerrilla Girls : Adelphité
Les Guerrilla Girls, héroïnes du monde contemporain, sont de passage à Montréal. Entrevue avec deux membres du collectif surnommés Frida Kahlo et Kathe Kollwitz.
Je suis féministe. Je l’avoue. Je sors du placard. Tant pis pour ceux (hommes ET femmes) qui ont honte du mot, pour ceux qui me croiront victime d’un complot visant à castrer tous les hommes. Étrange d’avoir à divulguer cela en 2009? Pourtant, peu de mes étudiant-e-s ou ami-e-s se reconnaissent dans cette dénomination. Est-il si difficile de défendre l’égalité des sexes?
Les Guerrilla Girls n’ont pas peur des mots, ni des actions. Depuis vingt-cinq ans, leurs affiches et interventions contestataires luttent contre la discrimination envers les femmes et les minorités. Et ce n’est pas un hasard si leur expo Troubler le repos (présentée par la commissaire Mélanie Boucher) a lieu à Montréal vingt ans après les crimes haineux à Polytechnique.
Masquées de cagoules de gorille (à leur début, une des membres a fait l’intéressant lapsus d’écrire Gorilla Girls), ce sont deux femmes très brillantes que je rencontre.
Voir: Bien des gens prétendent que le féminisme n’est plus nécessaire. La guerre des sexes est-elle finie?
Kathe Kollwitz: "Tellement de gens sont encore tellement contrariés par le féminisme, qu’ils veulent en être débarrassés. Aux États-Unis, nous n’avons pas comme au Québec de loi sur l’égalité salariale. Et en termes d’égalité, le domaine de la culture est très en retard sur bien des secteurs de la société. Il est facile de dire que c’est fini, mais quand on présente les faits, comme nous le faisons, on s’aperçoit d’une autre situation. C’est deux pas en avant, un pas en arrière."
Frida Kahlo: "Ce n’est pas une guerre, c’est une lutte pour les droits des femmes. Et des milliers d’années de domination masculine n’ont pas été corrigées par cent ans de lutte féministe. Le droit des femmes à travers le monde est encore la grande problématique du siècle."
KK: "Et il y a aussi les droits humains, les droits des gays… Tous ces droits et luttes nous concernent."
Dans les dernières années, au Musée d’art contemporain de Montréal, moins de femmes ont été à l’affiche. Trouvez-vous que les musées et les galeries présentent moins de femmes qu’auparavant?
KK: "Il y a un backlash, inconscient, dans le milieu des arts. Les institutions qui ne présentent pas assez de femmes sont discriminatoires et ne voient pas ce qu’elles ont sous leurs yeux. Les bons artistes femmes ou de couleur ne manquent pas."
FK: "Au Musée d’art moderne de New York, dans la section des peintures et sculptures, il y a seulement 17 % de femmes! Nous ne demandons pas qu’il y en ait 50 %, mais 17 %, c’est vraiment trop peu. Nous avons réalisé un projet [en 2007] à la National Gallery à Washington où 99,9 % des oeuvres présentées étaient réalisées par des hommes blancs. Aucune par des gens de couleur."
KK: "Les femmes représentent plus de 50 % des diplômés en arts. On est bien loin de ce chiffre dans le milieu de l’art. Qu’arrive-t-il à ces femmes? Leur offre-t-on des débouchés professionnels?"
FK: "Le milieu de l’art à New York est alimenté par le marché de l’art, lui-même alimenté par les riches chefs d’entreprises qui collectionnent. Et ceux-ci sont avant tout des hommes qui achètent des oeuvres représentant leurs valeurs. Et leur goût devient l’histoire de l’art."
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