Marc Séguin : Trompeur
Marc Séguin présente une exposition en apparence candide et inoffensive, pourtant un tant soit peu mesquine, presque effrontée.
Des portraits fragiles et éphémères qui pourraient s’envoler en quelques secondes, une évocation ténue d’un flou photographique choisi délibérément, une impression de surexposition et de sous-exposition des sujets par des noirs et des blancs contrastants, voilà ce qui se dégage des tableaux fraîchement sortis de l’atelier du peintre Marc Séguin, exposés à la Galerie d’art Jean-Claude Bergeron jusqu’à la fin de l’année.
Car il s’agit effectivement d’un travail purement pictural, trompeur toutefois puisqu’il imite merveilleusement bien ce que la photographie en soi pourrait elle-même proposer. L’artiste s’est lancé tout un défi en réalisant principalement ses toiles au fusain, matériau habituellement volatil et salissant, et face à la justesse et à la précision avec lesquelles il rend les portraits de Henry Miller, Mata Hari et plusieurs autres, pas étonnant que le visiteur reste sans voix. Certes, l’utilisation sous-jacente de quelconques technologies nouvelles peut être soupçonnée, mais le résultat est simplement spectaculaire, renvoyant à un photoréalisme raffiné où se mêlent habilement poésie et spontanéité.
Ainsi, Séguin parvient à faire découvrir toute la finesse et la subtilité de la lumière grâce à une palette de teintes nuancées, de l’ébène épais tracé par ses morceaux de charbon au blanc inaltéré de sa toile. Dans Autoportrait en Goya, le visage du sujet dont il est question est clairement défini par la surface non retouchée du support, devenant alors partie intégrante de cet ouvrage et se démarquant d’un fond rigoureusement assombri. Les quelques giclées de couleur fluide qui s’insèrent impunément dans l’image semblent venir alléger la sévérité des circonstances, prenant leur place telle l’oeuvre d’un graffiteur aguerri dans cet univers pourtant honorable, démontrant de ce fait une certaine insolence.
L’artiste serait-il en train de se moquer de l’observateur? Avec des photographies qui n’en sont pas réellement, un fusain étonnamment compact et abondant, une signature impertinente… Qu’importe la supercherie, il n’y a qu’à regarder attentivement et à se laisser berner par la démarche: simple, épurée, déstabilisante.
À voir si vous aimez / Andy Warhol, Marcel Duchamp