Haute Couture. Paris, Londres, 1947-1957. L’Âge d’or : Piqués et griffés
En rupture avec les expositions habituelles présentées au MNBAQ, Haute Couture. Paris, Londres, 1947-1957. L’Âge d’or plaira assez certainement, et pas seulement aux femmes.
Plus de trois salles ont été nécessaires pour contenir l’exposition de cette remarquable collection de vêtements et d’accessoires féminins dont la perfection semble incontestable. Y a-t-il un seul défaut dans ces confections de Chanel, Dior, Balenciaga, Balmain, Givenchy provenant du Victoria and Albert Museum? Probablement pas, et ces morceaux constituent un véritable ravissement.
Encore une fois, le design très sobre et les couleurs utilisées avec un goût heureux méritent notre éloge. Pour cet écho respectueux à la retenue si caractéristique de tous ces costumes, un seul mot: chapeau! De même, malgré l’éclairage feutré, une scénographie "éclairée" nous permet de parcourir l’exposition en douceur, sans tâtonnements, et d’apprécier les pièces sous toutes leurs coutures.
Chaque étoffe ayant son envers, chaque choix aura le sien… Ainsi, vu l’absence (parfois cruelle) de cartels explicatifs qui auraient gêné le coup d’oeil, vous devrez impérativement attraper le petit livret du visiteur pour comprendre le fil narratif. Sinon, aurait-on pu et dû mettre les données techniques pour les magnifiques tirages photographiques? Alors que plusieurs sont pourtant des oeuvres capitales, comme la célèbre Dovima avec les éléphants par Avedon, l’impression laissée par une telle décision ne suggère-t-elle pas que le travail des photographes est le fait de simples illustrateurs?
Toujours d’un point de vue didactique, le propos est très axé sur le travail de confection, mais surtout de commercialisation, ainsi que sur l’impératif économique lié à ces créations dont le prix est souvent inimaginable. Comme cette dense problématique se retrouve partout, peut-être aurait-on pu l’exploiter plus à fond comme ligne directrice. Par cela, on comprendrait mieux le basculement vers une forme de démocratisation de la haute couture qu’apportera le prêt-à-porter dans la période qui va suivre. Je laisse d’ailleurs à mes collègues le soin de faire les liens entre le "Théâtre de la mode" et les controversées poupées Barbie qui tirent leurs origines de ce mécanisme de l’après-guerre capitaliste.
Cependant, le caractère révolutionnaire du travail créatif n’est qu’effleuré. Où sont les bouleversements et les polémiques suscités, par exemple, par les dissensions terribles entre Chanel et Dior? Quelles sont les caractéristiques qui les rendent irréconciliables? Quels liens plus consistants peut-on encore faire avec les beaux-arts? C’est peut-être la difficulté majeure de présenter des vêtements dans un musée d’art: on voudrait à la fois montrer l’aspect sociétal de la mode autant que son côté artistique et créatif, si bien qu’on ne sait trop quel discours prioriser. Vous verrez tout de même que toutes ces griffes donnent bel et bien la piqûre et l’envie d’être tiré à quatre épingles…
À voir si vous aimez /
Les photographies de Vittorio, Chanel face à Dior en 1947…