Suzie Bergeron : Forfait réduit
Dans 300 minutes/mois, Suzie Bergeron s’intéresse à la relation que l’homme entretient avec son cellulaire.
Printemps 2009. Après avoir lancé quelques bouteilles à la mer, Suzie Bergeron est sélectionnée pour une résidence d’artiste de cinq semaines à Barcelone. Là, la Trifluvienne compte parcourir les restos et les cafés pour mettre en évidence l’absurde des relations qu’elle qualifie de monnayables. Son projet embrasse large. Trop peut-être. "J’avais fait une série de dessins avec des "pagettes". Mais les Barcelonais ne savaient pas c’était quoi. Ils ne s’en souvenaient plus du tout. Là-bas, le téléphone cellulaire, c’est fort!" raconte-t-elle. Devant cette évidence, la jeune femme n’a d’autre choix que de simplifier son idée, d’où le titre de l’exposition. "Dans le fond, 300 minutes par mois, c’est un contrat de téléphone cellulaire. C’est 300 minutes de gratuité."
À la suite de cette expérience, 24 dessins dévoilant un amour évident pour la publicité ont vu le jour. Seulement la moitié d’entre eux sont présentés à Presse Papier. "Avec le recul, il y a des trucs que je trouvais moins bons. Là-bas, ce n’est pas la même situation qu’ici. Les Européens ne perçoivent pas le cellulaire de la même manière. Revenue ici, j’avais envie de recommencer à faire de la sérigraphie. Ça fait que les couleurs sont apparues et c’est devenu autre chose."
TOUJOURS LA?
Dans 300 minutes/mois, l’essentiel de ses constats demeure cependant. L’artiste continue de souligner cette crainte qu’a l’être humain de se couper du monde. Son dessin illustrant un téléphone dans une position particulièrement zen en est un bel exemple. "Mes colocs faisaient des séances de yoga. C’est drôle, la relation entre le fait que tu veux te détendre, mais que tu passes quand même la journée à vouloir sans cesse être en contact. Le parallèle est vraiment contradictoire!" Si elle rit de ces incohérences, Suzie Bergeron se défend bien de prendre position, au contraire. "C’est juste une observation. On ne peut plus vivre sans ça. Mais cette obsession d’être toujours en contact me fait peur… " Plus possible en effet d’éteindre son portable. Il faut être joignable partout, en tout temps. "Même moi, quand j’appelle quelqu’un qui a un cellulaire et que je ne réussis pas à le joindre, je finis par le lui dire. C’est ridicule. Dans le fond, il a le droit de le fermer", constate-t-elle. "Le téléphone cellulaire, je ne veux pas le critiquer. C’est comme Internet, il fait partie de la vie. C’est juste un outil. Ce n’est pas un mal. C’est un développement qui amène un autre mode de vie." Elle prend une pause, puis poursuit: "Le problème avec le cellulaire, c’est que tu n’as jamais le temps de parler avec quelqu’un. Tu vas tout le temps à l’essentiel. Tu n’as pas le temps de parler des enfants ou du chat qui fait des boules de poil. Et je trouve que c’est dans le superflu que tu apprends l’essentiel. La personne a beau te dire que ça va bien, c’est finalement dans le reste autour que tu vas apprendre qu’elle n’a peut-être pas passé une bonne journée."
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