Marcel Dzama : Contes pour adultes
Arts visuels

Marcel Dzama : Contes pour adultes

Marcel Dzama fait dans le fantastique et le merveilleux… Encore un? Oui, mais lui a su créer un univers cohérent.

Le merveilleux pour le merveilleux, cela ne sert pas à grand-chose. Cela nous ramène certes au réconfort de nos récits d’enfance, mais peut vite devenir un truc facile pour créer une oeuvre faussement et superficiellement étrange.

Ceux qui me lisent assidûment se souviendront peut-être en quels termes je leur ai parlé de Marcel Dzama, artiste de Winnipeg vivant aujourd’hui à New York. Il y a presque dix ans, j’avais souligné comment ses dessins faussement enfantins, oscillant entre le rire et l’angoisse, parlaient "de l’enfance comme moment de constitution de nos rêves, de nos peurs et de nos désirs". J’ajoutais alors qu’il nous obligeait à "interpréter notre inconscient collectif". Je dois dire (en toute humilité…) que j’avais vu juste. Dans son expo intitulée Aux mille tours, Dzama démontre avec intelligence à quel point la mémoire collective se noue au pulsionnel. Je m’explique.

Les récits féeriques de notre enfance ou de notre adolescence (en littérature, cinéma, arts visuels, séries télé…) ont véhiculé des valeurs qui ont marqué notre imaginaire le plus profond et même nos désirs. Ces récits (oscillant entre désir et dégoût), il faut savoir les décortiquer, les remettre en scène, les rejouer à la fois pour les déconstruire et pour réactiver leur pouvoir d’étrangeté. Très souvent avec brio, voilà ce que fait Dzama à travers son étrange bal de chauves-souris, de vampires, d’ours humanisés, de femmes et d’hommes nus ou costumés, de monstres hybrides réinventés, de Pinocchios maléfiques et de ballerines cagoulées évoquant des pratiques SM… Comme l’écrit le conservateur Mark Lanctôt, Dzama arrive à dépasser la somme des citations qu’il utilise. Il expose le processus même du fantasmatique, qui carbure en brodant sur des images et récits anciens…

Cette expo débute en grand. Et étrangement, ce n’est pas dans le dessin (que l’on associe à cet artiste) que Dzama semble le plus s’épanouir. Deux formidables films s’inspirant du cinéma muet (et d’Entr’acte de René Clair) ainsi que des sculptures dignes de maisons de poupées pour adultes ouvrent ce défilé d’êtres étranges. The Lotus Eaters et The Infidels, films qui ont l’air mal faits, sont à contre-courant des oeuvres léchées et si jolies de notre époque. Suit une inquiétante salle toute noire, où de petites et étranges scènes sculptées se jouent, déroutent et sauront faire réfléchir.

La fin de cette expo me semble plus conventionnelle. Néanmoins, le conservateur Mark Lanctôt signe ici un événement de très haut niveau.

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