Sylvain Mayer : Simplement la vie

La responsable du Centre d’exposition Léo-Ayotte du Centre des arts de Shawinigan, Clémence Bélanger, aura eu Sylvain Mayer à l’usure. Ce dernier, malgré sa solide expérience comme photographe de presse au Nouvelliste, refusait catégoriquement d’exposer son travail. "Je ne me voyais pas exposer mes photos de cadavres, d’accidents et toutes ces affaires-là", explique-t-il. Après trois ans d’opération charme, il a baissé les armes et a accepté le défi.

Dès les premières minutes de l’entretien, le photographe applaudit la persévérance de Clémence Bélanger et son pouvoir de persuasion. Au fait, de quel argument a-t-elle usé pour qu’il accepte enfin de revoir sa position? "Elle m’a dit: "Sylvain, tu es d’ici. Oui, il y a des gens qui te connaissent, mais ils ne te connaissent pas vraiment. T’arrives, tu prends une photo et tu t’en vas. Ils ne connaissent pas ton côté artistique. Moi, je trouve que tu as un côté artistique, et tu devrais le développer." Quand tu es photographe de presse, les artistes te regardent vraiment de haut. Donc je ne voulais pas me voir comme un artiste", répond celui qui doute encore de son nouveau statut.

Ce malaise, plusieurs le prendraient pour de la fausse modestie, tant les oeuvres de Mayer sont grandioses, vibrantes de vie. Pourtant, il n’en est rien. "Ça fait 25 ans que je fais ça et j’en apprends encore tous les jours." Il ajoute: "Chaque fois que je prends une photo, j’ai tout le temps le même réflexe: j’ai une page de journal dans la tête! Si je prends une photo de toi: je te vois à droite, le titre là… Mon cerveau voit une page de journal, il n’a pas une vision artistique."

DES RENDEZ-VOUS…

Mayer à son meilleur pige donc dans 25 ans de métier. "Je pense que j’avais 46 caisses de négatifs. Et je ne sais pas combien de CD et de DVD j’ai visionnés!" s’exclame le photographe. Aiguillé par Clémence Bélanger, il a composé un parcours à la fois magique et troublant: un homme dans une tempête de neige, des enfants batifolant dans l’eau un soir de canicule, des accidents de la route, des pompiers combattant les flammes… "Je trouvais que ces photos avaient un dénominateur commun: le hasard. Il aurait fallu de grands papiers en dessous pour raconter leur histoire, mais eux [le personnel du Centre d’exposition] aimaient mieux que les gens se fassent eux-mêmes leur idée." Cela ne devrait pas être trop difficile puisque les clichés de Mayer parlent beaucoup. Ils racontent d’ailleurs la vie sans aucune pudeur, sans aucun filtre. "Nous, les photographes de presse, on n’a pas le droit de truquer une photo. On n’a pas le droit de rajouter une rondelle pour montrer que le goaler a fait l’arrêt. C’est bien, bien sévère. On ne peut pas enlever un poteau électrique en arrière de la tête du maire. On est les yeux du public; on ne peut pas déformer la réalité. Sinon, ce n’est plus vrai. C’est pour ça que ces photos-là [sauf une] ne sont pas truquées."

LA VIE, LA VIE

Ce que l’on retient des oeuvres de Sylvain Mayer, c’est la beauté de l’existence. Il reste que les drames humains, les morts qu’il a immortalisés bouleversent. "Je voulais montrer que, comme photographe de presse, on ne prend pas toujours de belles photos. Des fois, on part le matin pour une conférence de presse. On se ramasse après ça à prendre une photo de la tempête de neige. Pis on finit notre journée avec une histoire de même." La dure réalité du métier. "Je déplore tout le temps le fait qu’il y ait des gens qui perdent la vie sur la place publique. Je trouve ça bien plate. J’ai une carapace, vraiment. Je ne reste pas sur ce que je vois, mais ça me permet d’apprécier plus ce qui s’en vient." Heureusement pour nous.

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