John Heward : Capteur d'inconscient
Arts visuels

John Heward : Capteur d’inconscient

L’exposition Un parcours/Une collection lève le voile sur un pan de l’"anti-oeuvre" de John Heward. Troublante immersion dans l’univers d’un artiste épris de liberté.

Il y a de ces énergies, de ces forces, qui poussent à la création. En ce sens, John Heward fait office de puissant capteur. Né à Montréal en 1934, cet artiste, considéré comme l’un des plus exigeants de l’abstraction moderniste, s’est mis à la peinture à 35 ans. "Je prenais un verre dans une taverne avec un ami peintre et je lui disais: "Dans ma prochaine vie, j’aimerais être artiste." Il m’a répondu: "Pourquoi attendre? Finis ta bière. On va arranger ça." À son studio, il m’a mis devant une toile en me disant: "Fais quelque chose"", se remémore-t-il. The rest is history, comme disent les Chinois. Le scénario fut à peu près semblable à 49 ans, lorsqu’il amorça sa carrière musicale, tout aussi hors normes, en tant que percussionniste. Les deux vocations tardives s’avérèrent prolifiques.

L’improvisation est partie prenante de la démarche de John Heward. "Il y a une part d’inconscient, mais ça prend aussi de la rigueur. Les deux sont liés parce que je ne suis pas tout à fait conscient de cette inconscience." La fascination de John Heward pour la danse contemporaine constitue une clé pour aborder son oeuvre, ou plutôt son "anti-oeuvre", empreinte de liberté. "J’aime voir la danse. L’émotion, l’effet conceptuel, l’abstraction… Pour moi, c’est l’énergie éternelle." Le travail en atelier de l’artiste, caractérisé par l’urgence, relève d’ailleurs de la chorégraphie. "C’est relié au corps; ça vient du corps. Le geste permet de marquer le moment. Dans le temps présent, il y a l’acceptation de ce qui doit être."

Cette idée d’acceptation n’est pas si simple, car pour l’artiste, la création n’est jamais arrêtée dans le temps; son oeuvre est en perpétuel développement, en éternel recommencement. "Je récupère beaucoup. Je réutilise parfois des choses que j’avais mises de côté. Ce sont des cycles." D’ailleurs, le cercle caractérise bien l’univers de John Heward. "La vie est circulaire. Je n’aime pas les choses linéaires, car ça commence et ça finit."

SORTIR DU CADRE

Le travail de John Heward témoigne d’une curiosité pour la matière et la façon dont elle occupe l’espace. La rayonne, un textile solide et aucunement "noble", peut être considérée comme son matériau fétiche. "J’aime sa lumière, son côté naturel." Or, il ne lésine pas sur les façons de le maltraiter: il le coupe, l’effiloche, le perce d’anneaux de métal… "C’est un peu comme utiliser le corps humain et en faire ressortir la fragilité." Celle-ci est évidente lorsque le tissu est suspendu au plafond ou broché aux murs de la galerie. Pour Heward, travailler avec des cadres équivaut à créer une illusion. "Je ne suis pas intéressé par l’illusion. Dans l’art, je veux souligner des choses universelles et personnelles."

De nombreux et fascinants autoportraits composent l’exposition Un parcours/Une collection. En fait, John Heward considère l’ensemble de son oeuvre comme un autoportrait. "Ce n’est pas narratif ou en lien avec les apparences, mais ça traduit ce que je ressens, la manière dont je ressens."

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