Patric Lacasse : L'oeil dans le pied
Arts visuels

Patric Lacasse : L’oeil dans le pied

La Remise en forme de Patric Lacasse fait l’objet d’une exposition au Lobe. Jamais jogging n’aura été aussi créatif.

Après une absence de trois ans des centres d’exposition, Patric Lacasse effectue un retour à la production avec une installation vidéographique et sculpturale. Le Lobe présente les résultats de sa recherche.

POINT DE DEPART

Le point de départ du projet est une chute. En fait, plusieurs chutes. Un été durant, Lacasse a fait de l’escalade équipé de quatre caméras à signaux sans fil, deux sur les petits doigts et deux sur les talons. Avec le matériel recueilli, il a créé l’installation Risques et Limites. Il précise: "Je travaillais sur la prise de risques en arts. Dans le projet d’escalade, je prenais des risques, parce que j’expérimentais la chute. Je grimpais en premier de cordée et je prenais des voies trop difficiles pour moi: je savais que j’allais chuter. J’ai ramassé tout ce qui était des chutes et c’est devenu le contenu de l’installation." Cette dernière fait suite à un processus créatif débuté autour de 2003: "J’ai commencé à faire des expérimentations avec la caméra, à faire des images qui seraient le reflet des mouvements du corps au lieu du mouvement de l’oeil. Je voulais prêter une subjectivité au corps." Beaucoup d’efforts pour arriver à quelque chose de simple. Un été d’escalade et de captation vidéo fut nécessaire pour obtenir cinq minutes au total. Avec 5 % des images, il a recréé ce qui semble être un événement unique, une seule grimpée. Le subterfuge plaît à Lacasse, qui s’intéresse à cette opération de transformation du réel pour donner l’illusion du réel.

À PIED

Ces idées cheminent lentement dans l’esprit de l’artiste alors qu’il mûrit le projet Remise en forme. En attendant sa réalisation, il prépare le terrain: "J’ai été plusieurs années à rassembler le matériel, à décider ce que j’allais mettre dans mon kit média, à installer l’atelier pour pouvoir travailler l’électronique plutôt que la menuiserie, etc." L’an dernier, il commence à courir avec une caméra sur un pied. Le résultat après montage le réjouit.

Dans la salle d’exposition sont rassemblées les six vidéos de l’artiste joggeur projetées sur des écrans alignés au sol, histoire de se parler pied à pied. La suite d’images travaillées en synchronisme dégage une mécanique organique, comme un rythme intérieur strict. On voit également une sculpture formée de moulages pédestres assemblés en épi sur une longue tige de métal et une installation au mur comprenant le même type de pièces en cire. Une autre vidéo occupe un espace en marge, montrant le point de vue privilégié d’un pied qui botte des fesses. Lacasse observe que la sculpture et la vidéo l’inspirent pour les parentés qu’il peut cultiver entre elles, comme les notions d’accumulation et de répétition. En terminant, il mentionne le "décepte" présent dans sa recherche, ce qui relève de la déception, empêche la réussite: "La chute, c’était ça; je n’atteins jamais le sommet. Ça devient le travail. Ce qui m’intéressait en faisant du jogging, c’était l’essoufflement. Je ne suis pas un sportif, je m’essouffle super vite." Les sons enregistrés de ses efforts habitent la galerie.

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