Luanne Martineau et Etienne Zack : Futur antérieur
Luanne Martineau et Etienne Zack: l’art actuel veut dialoguer avec l’héritage de la modernité. Parfois d’une manière originale, parfois d’une façon très académique.
Le Musée d’art contemporain présente deux artistes qui citent, reprennent, s’approprient des oeuvres, mais aussi des manières de faire d’artistes du 20e siècle. Ah! La postmodernité… Simple maniérisme pour acheteurs et historiens de l’art nostalgiques et ayant raté le bateau moderne? Ou poursuite d’une réflexion sur le pouvoir déstabilisant de certaines formes (et de certains thèmes)?
C’est la deuxième hypothèse qui prévaut pour Luanne Martineau. Cette artiste prend des risques, s’engage dans des formes frôlant l’informe et dans des matériaux peu attirants (feutre de laine, feutre industriel, matelas mousse). Ses sculptures très picturales et hybrides, qui évoquent l’art de la couture, semblent souvent s’avachir comme un vêtement abandonné (et sont bien loin de la sculpture monumentale, fermement dressée vers le ciel, que pratiquent bien des créateurs mâles actuellement célèbres). Certaines de ses pièces font penser à des organes humains étalés comme pour une autopsie ou pour quelque rituel barbare. Tout pour déplaire? Oui, mais cela est bien ainsi. Martineau poursuit, entre autres, l’héritage d’Eva Esse, non pas pour simplement citer et créer un réseau de références pour connaisseurs, mais en extirpant de cet art des éléments encore dérangeants. Certaines pièces conventionnelles (telle cette perspective d’un sol en damier) n’enlèvent rien à l’efficacité des sculptures molles et organiques.
Une expo malheureusement mal installée où les pièces n’ont pas assez d’espace pour respirer et où l’éclairage n’est pas assez construit. Une oeuvre originale, ce qui à notre époque très commerciale et conventionnelle est une rareté.
Pour ce qui est de l’oeuvre d’Etienne Zack, elle incarne plutôt l’autre versant, maniériste, de la postmodernité. Son travail, très prisé par le milieu de l’art canadien, a fait partie de la Triennale québécoise en 2008. Il a reçu le prix Pierre-Ayot la même année et fut le lauréat du Concours de peintures canadiennes RBC en 2005.
La facture de sa peinture fait clairement penser au néo-expressionnisme allemand et en particulier au travail de Jörg Immendorff. À cette époque, ce style très pictural incarnait une contestation esthétique, mais de nos jours, il semble plutôt une manière de faire bien conventionnelle. Quant au thème abordé… Si, dans la modernité, l’atelier de l’artiste a été comme un prétexte pour une déconstruction de la peinture, il semble ici d’abord utilisé comme forme "ludique" (c’est le texte de présentation qui le dit).
La modernité a semblé avant tout révolutionnaire de par sa recherche formelle. Mais, comme nous le montre de nos jours la formidable peintre Marlene Dumas, l’art est une recherche formelle et la représentation d’un sujet qui dérangent et font réfléchir.
Le texte explicatif du jeune commissaire François Letourneux ne permet malheureusement pas de mettre en valeur cette oeuvre. Ce n’est guère aider un artiste que de parler de son travail en traitant de "la béance du sens" et du fait "qu’il n’y a pas d’"essence" de l’oeuvre d’Etienne Zack à dégager ici", pour ensuite enfouir ses tableaux sous un réseau de références: Pollock, Kiefer, Michel-Ange, Rembrandt, Bacon, Soutine, Goya, Jeff Wall, Namuth, alouette!
Luanne Martineau:
Etienne Zack: