François-Mathieu Hotte : La part d'ombre
Arts visuels

François-Mathieu Hotte : La part d’ombre

Le centre d’artistes Espace virtuel présente l’exposition La Violence et le sacré, essai #1: Art ou agitation? de François-Mathieu Hotte. Un questionnement sur le rôle de l’art devant un côté sombre de la nature humaine.

François-Mathieu Hotte exprime singulièrement sa façon d’aborder son travail de création: "Je suis parti de bases théoriques assez complexes que j’utilise comme un bouillon de culture. Mon bouillon de départ, je ne comprends pas comment il est fait, je sais que je le trouve intéressant, j’ai regardé les ingrédients. Mais moi, je ne suis pas un anthropologue ou un historien, je ne fais pas une thèse de doctorat. Je suis un artiste. Mon travail, c’est d’essayer de faire ressortir des pistes, des rencontres entre des objets, du sens et des idées." Ici, ce sont les notions de violence et de sacré qu’il fait se rencontrer, à la suite d’un questionnement sur leur présence marquée dans le paysage médiatique et intellectuel des dernières années.

INGREDIENTS D’UN BOUILLON

Dans cette installation-documentaire, Hotte utilise des signes dont le sens s’inscrit avec force dans le réel. Il les puise dans l’iconographie mystique et dans la représentation médiatique de la violence. L’artiste explique: "Ce qui m’intéressait sur le plan plastique, c’était de jouer avec des images qui sont du domaine public. C’est là que m’est venue l’idée de travailler ce que j’appelle l’"agitprop"." L’expression agitation et propagande ("agitprop") vient d’un terme russe signifiant "diffusion d’idées", à l’origine une manière de promouvoir les aspirations d’un parti politique. Une interrogation sur la pertinence d’une "agitprop" contemporaine dans l’oeuvre d’art a motivé les choix de Hotte.

L’artiste s’est inspiré également des écrits du philosophe anthropologue René Girard. Ce dernier a étudié le mimétisme humain en se penchant sur les hyperstructures sociales. "Il s’est intéressé à la violence, et la violence l’a amené aux racines de la formation des sociétés, considère Hotte. Pour Girard, le passage de la nature à la culture s’est fait au fil d’événements violents. La résolution de ces moments violents a créé le religieux archaïque. Les grands fondements religieux de notre humanité, pour lui, se sont passés dans la résolution de problèmes par une sorte de contrôle de notre violence interne." Ces réflexions ont nourri la construction du corpus d’oeuvres durant une résidence de 10 jours. L’artiste souligne le caractère intuitif de sa démarche et ajoute: "Par la voix, je ne me prononcerai pas. Mais par les images, je peux créer des associations qui gardent le discours libre."

VIOLENCE BOUILLANTE

Au fond de la salle 1, une vidéo bouleversante, crue, choquante. Doa Khalil, une jeune yézidie dont la lapidation filmée sur un téléphone cellulaire fut largement diffusée sur Internet. Après moult hésitations, Hotte décide de l’intégrer à l’ensemble. Conscient de l’énorme potentiel de spectaculaire qu’elle représente, il précise: "Je ne fais pas de la provocation religieuse par islamophobie ou autre haine: ce sont des questions que j’envoie, par un élément provocant. Je crois que dans l’art, il y a des choses qui nous dépassent, et il y a une nécessité de garder l’intuition et l’imaginaire comme sources de révélation de qui on est."

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La Violence et le sacré de René Girard