Miki Gingras et Patrick Dionne : Planches-contact
Humanidad: une petite expo de Miki Gingras et Patrick Dionne, mais qui mérite une grande attention. Si la pauvreté intéresse encore quelqu’un…
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit?
[…]
extrait de Melancholia, de Victor Hugo
Dans les médias, pour faire la manchette, il faut un événement spectaculaire. La misère "ordinaire", celle qui grignote lentement les êtres humains qu’elle enserre, elle, n’a que peu de place dans les journaux, à la radio ou à la télé. Déjà on tasse la catastrophe d’Haïti, ses sans-abris et ses handicapés plus communs.
À une époque où même la photo de reportage a perdu beaucoup d’espace (en particulier dans les revues), les artistes Miki Gingras et Patrick Dionne ont néanmoins décidé d’utiliser leur talent photographique pour entrer en contact avec les délaissés de la prospérité des pays du Nord et de la mondialisation. Mais ils n’ont pas fait que prendre des clichés d’enfants travailleurs au Nicaragua, traitant ainsi de l’"enfance dérobée à ces êtres". Durant cinq ans, cinq mois chaque année, ils ont côtoyé ces enfants et ont appris à plusieurs d’entre eux comment faire de la photo. Le résultat est une expo très touchante où toutes ces images et expériences se rencontrent. Certains de ces gamins sont cireurs de chaussures, d’autres vendeurs de légumes, de pain ou de bonbons dans la rue, souvent itinérants, parfois installés sur des stands de fortune, d’autres encore casseurs de pierres, employés à la fabrication de briques, travailleurs dans les champs… Il y a aussi ceux qui fouillent dans les décharges publiques et qui, comme nous le dit de texte de présentation, "vivent" dans ces dépotoirs et "respirent la décomposition des déchets".
Avons-nous vraiment progressé depuis le 19e siècle, époque où Victor Hugo dénonçait le "travail […] qui produit la richesse en créant la misère, qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil"? Nous avons tout simplement exporté notre capitalisme amoral ailleurs, loin de chez nous, pour moins avoir la pauvreté sous les yeux. Délicatesse du regard de l’homme occidental! J’entends souvent mes contemporains se plaindre de trop voir d’horreurs et de misères aux nouvelles… Voilà une expo qui n’est pas pour ceux-là.
Une poignante vidéo de Stéphane Dionne accompagne cette présentation.
À voir si vous aimez /
Benoit Aquin et Paul-Antoine Pichard