Chantal Berthiaume : Les yeux de la forêt
Dans son expo solo à l’Atelier Silex, Chantal Berthiaume pose un regard tendre sur la gent ailée.
L’Atelier Silex a l’habitude de recevoir des artistes qui explorent la troisième dimension. Avec Chantal Berthiaume, qui s’exprime à travers le dessin et la peinture, il crée l’exception qui confirme la règle. "Silex est en restructuration, explique l’artiste. Donc, il a offert l’espace à la communauté artistique. C’est un prêt de salle qu’il me fait. Je ne suis pas dans la programmation régulière."
Ainsi, ce ne sont pas des sculptures qui occupent l’Espace 0 3/4, mais bien des peintures à l’huile et à l’acrylique ainsi que des dessins au pastel et au crayon de couleur. De gigantesques yeux d’oiseau qui semblent épier nos moindres gestes… "Je cherche à parler de la nature sans que ça soit de la peinture animalière traditionnelle. Donc j’explore beaucoup les possibilités du cadrage [des plans rapprochés]. J’ai remarqué qu’en faisant l’animal de façon démesurée comme ça, les gens se sentent plus regardés qu’observateurs. Habituellement, quand on va dans la nature faire de l’observation, l’oiseau est tout petit ou on le regarde avec des jumelles. Là, c’est le contraire, c’est l’oiseau qui nous sollicite. En fait, ce que j’essaye de provoquer chez les gens, c’est l’intérêt pour la beauté de la nature et la biodiversité, et de faire en sorte qu’ils la protègent plus."
Chantal Berthiaume ne le nie pas, elle voue un très grand amour à la gent ailée: "Avant d’être en art, j’ai fait un DEC en aménagement de la faune. J’ai beaucoup travaillé avec les oiseaux. Donc, c’est principalement eux qui me préoccupent dans mon travail d’artiste. Le seul intrus, c’est l’oeil de mon chat qui est mort au mois de décembre. Ça m’a aidé à faire mon deuil de faire ce dessin…"
Le fou de Bassan, la grue demoiselle, le hibou des marais et l’urubu à tête rouge sont quelques-uns des oiseaux auxquels elle donne vie. Ces spécimens, l’artiste les a reproduits à partir de photos ou de croquis qu’elle a réalisés dans des zoos. "Avant qu’on ferme le zoo de Québec, j’allais régulièrement y faire de la photo et des croquis sur le vif. On a fermé ma bibliothèque, donc je fais d’autres observations. Mais je travaille beaucoup à partir de photographies. Ce sont souvent des photos que je fais ou que des photographes m’autorisent à utiliser pour faire des tableaux."
ÉLOGE DE LA LENTEUR
Dans l’expo présentée à Silex, Chantal Berthiaume explore différentes techniques. Mais est-ce que certaines lui collent davantage? "La peinture à l’huile, surtout, parce que c’est lent à sécher. Même avec les huiles siccatives qui existent maintenant, ça prend quand même quelques jours avant que le tableau soit sec. Et moi, je suis quelqu’un qui est lent. Ici, j’ai un seul tableau qui a de l’acrylique. Pour moi, ça sèche trop vite. Je n’ai pas le temps de réfléchir; le geste est trop rapide pour moi. Ça ne me convient pas. Le crayon de couleur, j’aime ça parce que j’y vais vraiment une couche à la fois, pareil comme un tableau à l’huile. Ce sont des couches successives de couleurs pas trop foncées et, à la fin, ça finit par donner du volume. Et le pastel à l’huile, j’aime beaucoup ça parce qu’avec cette technique-là, je vais chercher une douceur dans mon geste."