Martin Lord : Banlieue fantastique
Arts visuels

Martin Lord : Banlieue fantastique

Le travail du jeune artiste québécois Martin Lord est accroché aux cimaises de la Galerie Verticale. Souvenirs en ligne claire et réflexions sur la classe moyenne des banlieues, utopie grise.

Le monde reproduit par Martin Lord est celui des résidents de villes de banlieue anonymes. Sans horizon, son univers un brin amer dépeint de façon ironique le style de vie préconisé par le capitalisme. "J’aime jouer avec l’idée du générique, de l’anonymat." D’un trait simple et uniforme, sans relief, les dessins de l’exposition Me Maison représentent des scènes parfois étranges où les protagonistes s’engagent dans des batailles, s’étreignent, se confrontent et recommencent de plus belle dans des mises en scène tragicomiques. "Ce sont des souvenirs de mon adolescence transposés dans une atmosphère plus fantastique. Je joue sur l’idée du dialogue en explorant le langage corporel des personnages."

La maison, gage de statut social et marque d’accomplissement, y subit de curieuses explorations, tant par rapport à sa réalité tangible que par rapport à sa valeur symbolique de refuge. La piscine, si présente en banlieue, y figure version circa 1970 avec le recouvrement de faux bois. Des nuages de fumée envahissent certains scénarios, suspendus comme une question demeurée sans réponse. L’intérêt de Martin Lord pour les matières transpire les dualités dur/mou, vivant/non vivant. L’artiste interroge les apparences et l’idée de conformité, si naturellement attachées à l’environnement de la banlieue. Ses "utopies malheureuses", d’apparence légère, épinglent le citoyen dans son environnement, l’individu dans la société.

Cultiver les maladresses d’exécution

Né en 1974, Martin Lord a grandi à Sainte-Thérèse et fait ses études à l’UQAM. Dix ans de pratique en arts visuels: des débuts en peinture qui, par la force des choses, migrèrent vers le dessin, discipline accessible, mobile, propre et d’exécution rapide. La facture de sa production est influencée par la bande dessinée et les mangas. "Le changement de médium a stimulé ce nouveau vocabulaire", dit l’artiste. Ayant toujours exploré le figuratif, il cite en référence l’architecture du Bauhaus et les dessins de Marcel Dzama. Il cultive les maladresses d’exécution, l’anatomie approximative de ses personnages et les erreurs de perspective. Conscient de ne pas dépeindre la réalité, il n’y trouve d’ailleurs aucun intérêt: "Fellini disait: "Le cinéma est un mensonge, alors à quoi bon tenter d’imiter le réel?" Je suis plutôt de cette philosophie."

De la BD, encore: Martin Lord joue de la relation entre les différents éléments qui peuplent ses créations, mais aussi de la dynamique des oeuvres entre elles. "Il est intéressant d’observer un dessin et sa signification pour ensuite voir une tout autre narration se composer en le juxtaposant à d’autres."