Marc Boisvert / Frederick Simpson Coburn : L'utopiste et l'intimiste
Arts visuels

Marc Boisvert / Frederick Simpson Coburn : L’utopiste et l’intimiste

Deux artistes disparus occupent les principales salles du Musée des beaux-arts de Sherbrooke: Marc Boisvert et Frederick Simpson Coburn. Même si les deux venaient de l’Estrie, chacun pratiquait un art aux antipodes de celui de l’autre.

L’UTOPISTE

En son rez-de-chaussée, le Musée des beaux-arts de Sherbrooke (MBAS) propose une immersion dans un pan de l’art québécois des années 60 et 70 grâce au travail d’un feu Sherbrookois, Marc Boisvert. À contempler son oeuvre, on en vient à se demander quelle direction aurait prise son art si la mort ne l’avait pas happé si brusquement en 1985. Avec une courte carrière, il demeure dans l’ombre de ses pairs de l’époque: Serge Lemoyne, André Fournelle… Boisvert, qui a collaboré avec Claude Gauvreau pour les décors de La Charge de l’orignal épormyable et travaillé sur le son d’un film d’André Forcier, n’a donc pas eu le temps d’établir son mythe; le MBAS tente de pallier ce manquement.

Ses sculptures, il les concevait à partir d’éléments récupérés. La plupart sont des amalgames anarchiques, spontanés. L’une d’elles se démarque: Vestiges. Son raffinement contraste avec la matière (de l’acier rouillé). C’est l’une des rares oeuvres de Boisvert à posséder un titre, l’artiste étant un adepte du "sans titre".

Comme peintre, il a exploré l’effet 3D avec des lignes, des traits de couleurs, qui créent des illusions d’optique. À tenter d’apercevoir la troisième dimension, on a l’impression que la couleur vibre, un peu comme chez Molinari.

Plusieurs tableaux intègrent du texte, parfois mordant ("Tabarnak"), parfois poétique ("200 milliards d’étoiles dans ton cerveau. Avais-tu jamais vu une aussi immense solitude."). Cette dichotomie langagière contribue à l’utopie de l’oeuvre inachevée de Marc Boisvert.

L’INTIMISTE

On monte un étage et c’est un "Frederick Simpson Coburn nouveau" qui nous accueille. Cette expo n’a rien à voir avec les paysages hivernaux et les scènes de vie rurale qu’on associe habituellement à cet artiste natif des Cantons-de-l’Est et décédé en 1960, car l’accent est mis sur son travail de portraitiste, une étonnante et riche facette de son oeuvre.

La vie amoureuse de l’homme se dévoile légèrement au fil des différents portraits. Il y en a un de sa femme, plusieurs de sa muse et d’autres de dames que l’artiste convoitait; l’expo compte d’ailleurs une lettre qui fait état qu’à 63 ans, Coburn flirtait avec brio.

De cette visite, on retient tout particulièrement le ravissement des nus, peints avec élan et rythme. Certains ont un décor impressionniste digne de Degas, alors que d’autres faits au pastel évoquent Renoir.

Grâce à la délicatesse de ce grand peintre d’ici, difficile de détourner les yeux de ces élégantes dames qui vous regardent sans broncher. Soutenez leur regard et vous tomberez sous leur charme.

Marc Boisvert:

Frederick Simpson Coburn: