Pascal Grandmaison : La vie secrète des choses
Le festival Regard sur le court métrage semblait un superbe prétexte pour présenter le travail de Pascal Grandmaison. La galerie Séquence a saisi l’occasion.
Lumière visible rassemble cinq vidéos de l’artiste Pascal Grandmaison réalisées entre 2004 et 2009. Sa recherche s’articule autour de l’idée de la transformation de la modernité. L’idéologie des générations qui nous ont précédés, véhiculée par l’architecture et le design, constitue sa matière première. Selon Grandmaison, "on est confrontés à vivre avec des structures qui ont été créées par les gens qui étaient là avant nous. Ils ont pris des décisions et nous, on fonctionne dans cet environnement-là". Les oeuvres, très formelles, deviennent presque abstraites. Le point de vue plastique l’emporte pour révéler des images au rythme lent et hypnotisant. Les trames sonores sont chargées d’un silence habité, vivant, comme lorsque le vent souffle dehors ou qu’un bâtiment bourdonne sourdement. Une impression de mystère, une inquiétude même se glissent dans les os.
EN PIECES DETACHEES
Dans la salle 1, deux vidéos se succèdent sur un écran. Elles font partie d’une série de films amorcée en 2007 dans laquelle Grandmaison explore des espaces appartenant à l’architecture moderniste. Leurs fonctions liées à la modernité ont influencé l’artiste: "J’ai tourné dans une banque abandonnée, j’ai eu la clé pendant trois jours. Je voulais créer une métaphore sur cette idée de disparition de la matérialité de l’argent. Il y a un personnage qui se promène dans la banque, et plus il avance, plus elle se remplit de fumée." Le second film met en scène un autre personnage, traversant cette fois un étage d’un édifice de Toronto dessiné par Mies van der Rohe, pour revenir sur ses pas à reculons. Grandmaison remarque: "Ce lieu était en transition entre la démolition du design des années 60 et une nouvelle stratégie architecturale."
La projection et la salle ne font qu’une dans la deuxième pièce, changeant notre rapport à l’oeuvre. Le spectateur est happé par les images d’une caméra 16 mm Eclair NPR, filmée morceau par morceau en gros plans. Ce modèle fut un des premiers portables, et les cinéastes de la Nouvelle Vague ainsi que les artistes du cinéma-vérité l’ont utilisé. "Dès que les caméras sont devenues portables, toute l’esthétique cinématographique en France a éclaté. Pour moi, filmer cette caméra-là, c’était comme filmer l’objet qui a créé la liberté du cinéaste. C’est une espèce d’hommage à la mécanique", explique Grandmaison.
En fin de ce parcours vidéographique, on découvre une oeuvre que l’artiste a réalisée l’an dernier lors d’une résidence de six mois à New York. Intrigué par la façon dont les loisirs s’incarnent matériellement, il a tourné à Coney Island, lieu génésiaque des parcs d’attractions à l’américaine. Il rend une abstraction visuelle de l’endroit pratiquement à l’abandon, en montrant des images de machinerie et de parties de manèges avec celles de consoles de jeux datant de 1975 à nos jours qu’il a entièrement démontées. Toutes ces images tournent telle la grande roue. Cette vidéo est aussi présentée dans la vitrine tandis qu’une cinquième se dévoile dans l’espace conduisant à la salle Michael Snow.
À voir si vous aimez /
Patrick Bernatchez, Rodney Graham et Mies van der Rohe