Myriam Colin : Doigts grand ouverts
Arts visuels

Myriam Colin : Doigts grand ouverts

Avec les doigts de la main et les doigts de pied, avec ou sans les yeux, arpenter l’exposition de Myriam Colin à Langage Plus pourrait vous mener là où vous ne vous y attendiez pas.

Cécité de la neige est une proposition de Myriam Colin, une artiste strasbourgeoise dont la pratique s’articule habituellement autour du dessin et du livre. Intéressée par une approche tactile de l’art, elle a développé des ateliers d’exploration auxquels participent des personnes voyantes et non-voyantes. Colin s’alimente de ces expérimentations pour créer des livres tactiles et des oeuvres à toucher. À propos de son travail, qui visait au départ un public restreint, elle remarque: "J’essaie d’ouvrir l’art aux non-voyants. Mais je me suis rendu compte que les supports que je fais sont totalement pertinents pour les voyants aussi, qui sont très curieux de redécouvrir le toucher." Dans le cadre de la Résidence croisée qu’elle a effectuée à Langage Plus, l’artiste a élargi son champ d’action vers l’installation.

DES PIEDS

Le titre du projet est venu de lui-même: "Au gîte où j’habite, j’ai lu un recueil de poésie dans lequel un poète parle de la cécité des neiges. Je suis allée à la marina et je n’arrivais pas à ouvrir les yeux, c’était trop blanc!" s’émerveille-t-elle. Lors de ses sorties de repérage dans la ville, les revêtements des maisons l’ont surprise. Ces derniers, tenus généralement en basse estime esthétique, l’ont séduite par leurs caractéristiques singulières et leur rapport vue-toucher.

En galerie, les visiteurs peuvent suivre les parcours tactiles issus des recherches de Colin dans les environs. Les plus alertes remarqueront que l’oeuvre s’offrant à leurs pieds a la forme de la Petite et de la Grande Décharge, cours d’eau traversant Alma. L’artiste répond ainsi à son besoin de se situer dans un décor étranger, de cartographier son apprivoisement de la ville. Elle indique spontanément du doigt les points correspondant à l’emplacement de son gîte et de Langage Plus. Abrités sous de la toile Tempo, les matériaux disposés au sol vous invitent à découvrir leurs différentes qualités, une fois que vous vous serez déchaussés!

DES MAINS

Les murs arborent des chemins de textures qui évoquent un assortiment d’échantillons dans un magasin ou une quincaillerie. Des images haptiques sont insérées en alternance avec des matériaux, déjouant les sens. En effet, s’attendant à du relief, la main trouve parfois une photographie. La vue et le toucher travaillent de concert, mais Colin souligne la dominance de la vue dans notre perception des choses. "On se rend compte que même si on touche en même temps qu’on voit, notre vue influence beaucoup ce que l’on touche. Si on touchait sans voir, est-ce que l’on reconnaîtrait la matière? En général, la réponse est non." L’artiste propose des masques aux audacieux qui voudront tenter une visite à l’aveugle de l’exposition. Faits de véritable fourrure d’ours en peluche canadiens, ils mettront les petits comme les grands en confiance pour une incursion dans l’univers d’un non-voyant. Tout est à toucher, alors oubliez votre retenue de visiteur bien élevé: rasez les murs des doigts, foulez les oeuvres, prenez contact avec la matière.

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