Autres Odyssées de l'espace : Le modernisme contre-attaque
Arts visuels

Autres Odyssées de l’espace : Le modernisme contre-attaque

Le CCA nous invite à mesurer l’impact de la conquête de l’espace sur l’imaginaire architectural. Rencontre du troisième type?

L’espace a fait et fera rêver, certes. Mais étant donné la nature humaine et nos sociétés où l’argent fait la loi, ces rêves risquent de se trouver détournés vers des questions plus terre à terre. Il y a fort à parier que la conquête de l’espace réussisse, que nous le colonisions, que nous exploitions ses planètes et y apportions nos problèmes bien terrestres. Si les extraterrestres existent, conseillons-leur de rester cachés le plus longtemps possible! Déjà l’espace est lentement mais sûrement utilisé par de riches terriens, touristes nouveau genre, pour leurs propres intérêts…

Mais, pour certains, l’espace a représenté et continue de représenter une forme de création pure, libérée de toutes les contraintes de la vie sur Terre. Il y a maintenant 10 ans, l’expo Cosmos avait montré comment les arts visuels s’en étaient inspirés. Ces jours-ci, au Centre canadien d’architecture (CCA), l’expo Autres Odyssées de l’espace montre les recherches de trois architectes dans ce domaine. À travers certains projets de Greg Lynn, Michael Maltzan et Alessandro Poli, le public aura un aperçu de l’impact de cet imaginaire sur l’architecture. Vous pourrez y voir, entre autres, le nouveau bâtiment administratif pour le Jet Propulsion Laboratory (JPL) qui en Californie permet à des chercheurs de travailler sur l’innovation dans le domaine de la recherche spatiale. Conçu par Maltzan, cet édifice se veut à l’image des recherches qu’il abrite, un espace d’échanges fluides…

Rupture spatiale?

On aura un avant-goût de l’esprit qui prévaut dans cette expo en lisant les propos de Greg Lynn: "Il y a des gens dont la vision du monde a été établie avant la mission humaine et ceux pour qui elle s’est formée après." Nous pouvons entendre le même enthousiasme dans une lettre que Poli a rédigée en 1970 où il écrit qu’"au lendemain du débarquement sur la Lune, le propos de l’architecture ne peut plus être celui que nous avions auparavant conçu, imaginé et construit".

Ces commentaires et bien des pièces exposées montrent les limites intellectuelles de ce rêve. Ces architectes semblent englués dans une vision moderniste du monde ou l’événement, la découverte, la technologie sont par eux-mêmes outils de changement. Tout comme ces citations de Lynn et Poli font penser à une attitude très moderne (les futuristes et leur fascination pour l’avion ne sont pas loin), leur architecture semble souvent très moderniste.

Et puis cette expo pose d’autres problèmes: pourquoi n’avoir pris que ces trois architectes-là pour traiter d’un tel sujet? Car après tout, cette expo ne s’affiche pas comme étant un simple regard sur trois architectes, mais bien comme une réflexion sur l’impact de la conquête de l’espace sur l’architecture. En quoi sont-ils plus représentatifs de cet esprit? Nous aurions aimé avoir plus de repères biographiques (et architecturaux) pour ces divers personnages, qui nous auraient permis de comprendre mieux l’importance de leurs travaux.

Voilà une expo un peu sèche à laquelle il manque une introduction historique plus générale sur les architectes s’étant inspirés de cette conquête spatiale: Buckminster-Fuller (auquel le directeur du CCA, Mirko Zardini, fait référence dans son introduction au catalogue) qui disait que nous sommes tous des astronautes, Matti Suuronen (et sa maison Futuro), Eero Saarinen, John Lautner, Rem Koolhaas, Zaha Hadid…

À voir si vous aimez /
Buckminster-Fuller